De petit criminel à devenir une voix mondiale contre le racisme, c’est l’un des musulmans les plus éminents de l’histoire moderne et un symbole de la libération des noirs qui a inspiré des générations. Un gangster, un prédicateur et un révolutionnaire, c’est le parcours extraordinaire de Malcolm X.

Qui était Malcolm X ?

Malcolm X est né en 1925 à Omaha, dans le Nebraska. Ses parents, Earl et Louise Little, étaient des disciples de l’activiste panafricain Marcus Garvey et par conséquent, leur famille a été soumise à un harcèlement constant par le Ku Klux Klan qui a brûlé leur maison alors que Malcolm n’avait que quatre ans.

La famille a déménagé dans le Michigan où ils ont été menacés par la Black Legion, une ramification du KKK. Quatre des oncles de Malcolm ont également été assassinés par des racistes blancs. Le père de Malcolm est mort quand il avait six ans. L’incident a été officiellement considéré comme un accident de voiture, bien que sa mère croyait qu’il avait finalement été assassiné par la Black Légion lorsque Malcolm avait 13 ans. Sa mère a été internée dans une institution psychiatrique, ses enfants ont été séparés et envoyés dans différents foyers d’accueil.

C’est irréaliste pour un garçon noir d’aspirer à devenir avocat

Malcolm était un excellent élève mais il a abandonné l’école après qu’un professeur blanc lui a dit qu’il était irréaliste pour un jeune garçon noir d’avoir des aspirations de devenir un avocat. Après quelques années dans le Michigan et Boston, il s’installe à Harlem à l’âge de 18 ans, où il a été impliqué dans les jeux d’argent, le vol, le trafic de drogue et le proxénétisme. À l’âge de 21 ans, après avoir commis une série de vols avec un petit gang à Boston, Malcolm a été arrêté et condamné à 8 – 10 ans d’emprisonnement à la prison d’État de Charlestown. L’incarcération a été le début de la transformation de Malcolm.

Malcolm X et la Nation de l’Islam

Alors qu’il était en prison, ses frères et sœurs ont commencé à lui écrire au sujet de la Nation of Islam et de son leader Elijah Muhammad. La Nation of Islam encourageait l’indépendance des Noirs et rejetait la la notion de supériorité des blancs. Au contraire, Elijah Muhammad enseignait à ses adeptes une forme de séparatisme par rapport aux blancs qui étaient en fait considérés comme inférieurs aux noirs qui étaient les premiers habitants de la Terre.Malcolm, initialement hostile à l’idée d’une quelconque religion, a fini par devenir un membre de la Nation of Islam. Il lisait constamment des livres et commençait à écrire régulièrement à Elijah Muhammad.

Les adeptes de Elijah Muhammad ont appris à d’abandonner leurs noms de famille car ils étaient en fait les noms d’anciens propriétaires d’esclaves. Ainsi, Malcolm Little devint Malcolm X. Après sa libération conditionnelle, Malcolm a rendu visite à Elijah Muhammad à Chicago. En Juin de l’année suivante, il a été nommé Ministre adjoint du temple numéro 1 de la Nation of Islam à Detroit.

Il a ensuite créé le temple numéro 11 de Boston et agrandi le temple numéro 12 à Philadelphie. Quelque jours plus tard, il a été finalement désigné pour diriger le temple numéro 7 à Harlem où il a été responsable d’une énorme augmentation d’adhésion. 

Le FBI l’avait mis sous surveillance en raison de son profil soudain en tant qu’étoile montante de la Nation of Islam. L’ascension de Malcolm au rang de star nationale a eu lieu en 1957 quand il est intervenu dans un commissariat de police pour obtenir une aide médicale et juridique pour des membres de la Nation qui avaient été battus et arrêtés par la police de New York. La foule de manifestants à l’extérieur a augmenté à près de 4.000.

Le contrôle de la foule par Malcolm a impressionné la police de New York. Dans les semaines qui ont suivi, ils l’ont mis sous surveillance et ont officiellement commencé à infiltrer la Nation of Islam en 1958.

Malcolm se maria avec sa femme Betty avec qui il aura six filles. Le profil de Malcolm a continué à se faire connaître par la presse écrite et des apparitions à la télévision. Et il a commencé à se faire connaître à l’international en tant que symbole de lutte pour la dignité des Noirs.

II était très critique à l’égard des “Civil Rights Movement” en plein essor et de ses dirigeants, comme le Dr Martin Luther King, qui prêchait l’intégration et la non-violence. 

“Comment pouvons-nous être non-violent face à l’une des bêtes les plus cruels (l’homme blanc américain) qui veulent soumettre tout un peuple au rang d’êtres inférieurs. Il y a 100 ans, ils avaient l’habitude de mettre un drap blanc (KKK) et utilisaient un chien de chasse pour persécuter les noirs. Aujourd’hui, ils ont enlevé le drap blanc et ont mis l’uniforme de la police. Ils ont échangé les chiens de chasse pour des chiens policiers et ils font toujours la même chose. Et juste comme l’Oncle Tom à l’époque de l’esclavage a été utilisé pour empêcher les noirs de résister aux chiens de chasse ou de résister au Ku Klux Klan en leur apprenant à aimer leur ennemi. Martin Luther King au 20ème siècle est juste un Oncle Tom moderne ou un Oncle Tom religieux qui fait la même chose aujourd’hui.” 

Dans un contrepoint brutal à la philosophie de la non-violence de Martin Luther King, Malcolm X a déclaré : « Je suis pour la violence si la non-violence signifie que nous continuons à reporter une solution au problème de l’homme noir américain». Malcolm a exhorté ses partisans à se défendre « par tous les moyens nécessaires ».

Le message de Malcolm a été marquant plus que jamais. Mais sa relation avec l’homme qui avait transformé sa vie, Elijah Muhammad, était sur le point de se briser. Les tensions grandissaient au sein de la Nation of Islam sur la quantité d’attention que recevait Malcolm de la part des médias comparée à celle que recevait son mentor, Elijah Muhammad.

Peu de temps après, un raid non provoqué sur la mosquée de la Nation of l’Islam par la police à Los Angeles a laissé un membre de la Nation paralysé et un autre a été tué. Aucune charge n’a été retenue contre la police. Malcolm aurait été stupéfait par le refus d’Elijah Muhammad de permettre toute forme de réponse ou de représailles pour l’incident. Les deux ont également été en désaccord sur le désir de Malcolm de commencer à travailler avec les organisations de droits civiques, des politiciens noirs et d’autres organisations religieuses. 

Puis soudain, voici un bulletin de CBS News, trois coups de feu ont été tirés sur le président Kennedy dans le centre de Dallas. Le Président Kennedy a été sérieusement blessé. Le commentaire de Malcolm sur l’assassinat de Kennedy lui a valu d’être officiellement réduit au silence pendant 90 jours. New York, le 8 mars 1964. Par voie de presse, Malcolm X annonce publiquement sa rupture avec la Nation of Islam. Il a également exprimé son désir de travailler avec d’autres leaders de droits civiques en disant qu’Elijah Muhammad l’avait empêché de le faire.

Puis vint une bombe. “Alors qu’en réalité, je n’ai jamais quitté le mouvement musulman, ils m’ont évincé de l’organisation à cause de ce que je savais. Ce que je savais m’a été dit par le fils de M. Muhammad, Wallace Muhammad lui-même. Ils m’ont mis dehors et ils lui ont mis dehors.“

Malcolm X avait appris les affaires d’Elijah Muhammad avec les femmes de la Nation et ses nombreux enfants illégitimes et, désenchanté par le caractère moral et l’hypocrisie du chef, il a commencé à partager ces connaissances au sein de la Nation. Malcolm X a ensuite fait cette révélation à la presse pour expliquer sa rupture avec la Nation of Islam. Malcolm était conscient du risque qu’allait susciter une telle révélation puisqu’il a partagé à la presse qu’après cette révélation, il était probablement déjà un homme mort.

Malcolm a commencé à apprendre les principes et les pratiques de l’Islam Sunnite. Il a fondé Muslim Mosque, Inc., une organisation religieuse et l’organisation de l’unité afro-américaine, un groupe non-religieux qui promeut le Panafricanisme. Il a adouci sa position sur Martin Luther King Jr, qu’il n’a rencontré qu’une seule fois en personne, et plus tard dans la même année, il a effectué le Hajj, le pèlerinage Musulman à la Mecque, qui allait être une autre expérience transformatrice pour lui.

“Quand j’étais au pèlerinage, j’ai eu des contacts étroits avec des musulmans qui, en Amérique seraient classés comme blancs et avec des musulmans qui se seraient eux-mêmes classés comme blancs en Amérique. Mais ces musulmans-là ne se disaient pas blancs, ils se considéraient comme des êtres humains faisant partie de la famille humaine et donc ils considéraient tous les autres segments de la famille humaine comme faisant partie de cette même famille. Ils ont un look différent, un air différent ou une attitude différente qui se reflète dans l’attitude des hommes en Amérique qui se disent blanc. Alors j’ai dit que si l’Islam avait fait ça pour eux, peut-être que si l’homme blanc en Amérique étudiait l’Islam, peut-être que ça changera sa façon de voir les choses.

Après la Mecque, Malcolm a fait deux voyages en Afrique pour rencontrer des officiels et s’exprimant à la radio et à la télévision à travers le continent. Au Caire, il a assisté à la deuxième réunion de l’organisation de l’unité africaine et a rencontré les dirigeants les plus en vue de l’Afrique dont Kwame Nkrumah du Ghana, Gamal Abdel Nasser d’Égypte et Ahmed Ben Bella d’Algérie, qui lui offrent tous des postes officiels dans leurs gouvernements respectifs. Il a rencontré Fidel Castro et fut l’un des premiers leaders afro-américains à rencontrer la toute nouvelle Organisation de libération de la Palestine et il a été l’un des pionniers d’une tradition de solidarité noire palestinienne qui sera poursuivie par le Black Panther et le mouvement Black Lives Matter.

Une idée fausse courante sur la révolution philosophique de Malcolm est que son processus de conversion à l’islam Sunnite a adoucit ses positions politiques. S’il est vrai que Malcolm a abandonné certaines des positions séparatistes les plus extrêmes de la Nation of Islam, il est resté sur ses positions séparatistes sur le nationaliste noir. 

« Peu importe le respect, peu importe la reconnaissance que les Blancs me témoignent, tant que ce même respect et cette même reconnaissance ne sont pas manifestés envers chacun de nos concitoyens… cela n’existe pas pour moi. »

Le voyage de Malcolm l’a conduit à globaliser sa perspective en voyant la libération des noirs comme quelque chose qui dépasse les États-Unis mais c’est quelque chose qui était intimement liée aux luttes pour l’indépendance à travers le tiers monde.

Dernières années et héritage

La Nation de l’Islam n’avait pas pris la sortie de Malcolm et la critique publique de la mauvaise conduite d’Elijah Muhammad à la légère. Sa famille a été menacée à plusieurs reprises, leur voiture a été bombardée. Des dossiers de surveillance du FBI montrent que les forces de l’ordre étaient conscientes que des éléments au sein de la nation discutaient ouvertement de sa mort. Puis sa maison a été incendiée.

Le 21 février 1965, Malcolm s’adressait à l’organisation de l’Unité Afro-américaine à Audubon Ballroom de Manhattan. On lui a tiré dessus 21 fois. Trois membres de la Nation of Islam ont été jugés et condamnés pour le meurtre mais des questions subsistaient au moment de sa mort sur l’identité de ceux qui l’ont assassiné.

Malcolm était surveillé à la fois par la police de New York et l’opération COINTELPRO du FBI. Pour beaucoup, il n’y a tout simplement aucun doute que l’une ou les deux organisations aient des mains liées dans cet assassinat.

L’héritage de Malcolm a été préservé dans le hip-hop, dans les films et la littérature. Et surtout, sa propre autobiographie qui continue d’être célébrée a été nommée, l’un des dix livres documentaires les plus influents du 20e siècle. Sa politique continue d’inspirer des générations d’activistes contre le racisme et l’impérialisme dans le monde entier.

Les funérailles de Malcolm ont eu lieu à Harlem. Certains estiment que jusqu’à 30.000 personnes ont assisté à ces funérailles.