Faut-il dissoudre l’Union Africaine ?

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Avant l’Union Africaine, il y avait l’Organisation de l’unité africaine (OUA)

En mai 1963, 32 pays africains se sont réunis dans la capitale éthiopienne, Addis-Abeba, pour créer l’Organisation de l’unité africaine (OUA), destinée à constituer la base continentale du panafricanisme, mais cela a abouti à une édulcoration compromise entre blocs idéologiques concurrents. La décolonisation et l’unité africaine étaient la raison d’être de la création de l’OUA. Au départ, l’unification complète des Etats africains était inaccessible à cause du contexte géopolitique à l’époque. Les divisions ont rendu intenable la construction d’un gouvernement d’union basé sur un consensus d’institutions structurelles, militaires et politiques. L’OUA a donc été fondée avec l’intention que l’organisation allait procéder, progressivement, à l’unification jusqu’à ce que l’objectif final d’une Union des États africains soit réalisé.  

Bien qu’il s’agisse essentiellement d’un motif de réjouissance, l’OUA avait, dès le départ, limité sa portée en tant que moteur de l’intégration continentale par des contraintes dans sa propre Charte. Il est inconcevable que l’Organisation puisse jouer un rôle efficace de gardien de la paix sur le continent, car il n’y a pratiquement pas de paix à maintenir. En outre, le désir des dirigeants africains de s’accrocher à leurs notions occidentales de souveraineté de l’État avait essentiellement rendu l’OUA impuissante à travers sa propre rhétorique de non-ingérence.

Un autre défi majeur pour l’OUA était le fait que son respect de la souveraineté des États affectait l’efficacité de l’Organisation à prévenir et à endiguer les conflits dans ses États membres. L’OUA n’a pas réussi à établir de mécanismes proactifs de prévention et de résolution des conflits, recevant plutôt l’aide de l’Europe, des États-Unis et des Nations Unies. L’OUA était perpétuellement sous-financée en raison de l’incapacité des États membres – qui dépendaient principalement de financements externes – de payer les cotisations.

L’OUA a été dissoute en 2002 parce qu’elle était devenue, aux yeux de ses détracteurs, « un club d’élite de dirigeants largement coupés de leur peuple », protégeant les kleptocrates et les dictateurs. 

La création de l’Union Africaine 

Lors du 35e Sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’OUA tenu en Libye, des pourparlers ont commencé sur la réforme et la reconceptualisation de l’OUA. Le président libyen, Mouammar Al Kadhafi, a appelé l’OUA a convoqué une quatrième session extraordinaire qui examinera plus la réforme de l’OUA en une Union africaine (UA) plus capable et moins contrainte. L’Union africaine (UA) est officiellement créée en juillet 2002 à Durban, en Afrique du Sud.

Construite sur un modèle hybride inspiré de l’Union européenne, des Nations unies et des États-Unis d’Amérique, l’UA consolide le pouvoir et la souveraineté des États existants et écarte les projets kadhafistes d’États-Unis d’Afrique. L’UA dispose, parmi ses principaux organes, d’une Conférence des chefs d’État et de gouvernement, d’un Conseil exécutif des ministres, d’un Comité de représentants permanents, et d’un nouvel organe central, la Commission. Bien que cette dernière s’apparente formellement à un gouvernement continental, elle n’a pourtant pas les moyens d’imposer ses décisions aux États membres.

À ses premières structures s’ajoute un Parlement panafricain, installé en Afrique du Sud, qui réunit, sur deux sessions annuelles, deux députés venus de chacun des pays membres de l’UA. Cette assemblée, qui pourrait théoriquement permettre la démocratisation et le renouvellement de l’institution continentale, reste cependant dépendante des parlements nationaux, dont la plupart sont loin de refléter l’opinion des électeurs africains, trop souvent étouffée par la fraude électorale, la propagande officielle et la répression des partis d’opposition. Le Conseil économique, social et culturel, la Cour de justice, les Comités techniques spécialisés, le Conseil de paix et de sécurité, ainsi que des projets d’institutions financières complètent l’architecture institutionnelle de l’UA.

Faut-il dissoudre l’Union Africaine ?

Malgré la nouvelle dénomination, l’UA n’est que le prolongement de l’OUA. Mis à part quelques organes techniques ou consultatifs supplémentaires, qui alourdissent un peu plus sa structure et son budget de fonctionnement, l’UA ne dispose d’aucune compétence supplémentaire par rapport à l’OUA. Les chefs d’État gardent la haute main sur l’organisation et les attributions du Parlement panafricain, organe simplement consultatif, ne sont pas réellement définies. En l’absence d’une politique continentale sur les secteurs stratégiques (armée, monnaie, diplomatie) et en raison de sa dépendance à l’égard de l’Europe (qui finance une partie de ses activités), l’UA n’est pas en mesure d’incarner le renouveau du continent, ni de mettre un terme aux conflits qui divisent ses membres.

La réforme inachevée de l’OUA montre une fois de plus que l’« unité africaine », qui demeure l’objectif affiché de nombreux responsables politiques africains, restera une chimère tant que les dirigeants ne seront pas des panafricanistes convaincus, compétents et motivés. Comme l’OUA, l’UA ressemble à un cénacle de dirigeants âgés, souvent mal élus, très éloignés des populations qu’ils sont censés représenter et trop dépendants des grandes puissances internationales, qu’elles soient européennes, américaines ou asiatiques. 

Le problème avec l’Union Africaine d’aujourd’hui, c’est le manque de dirigeants qui soient de vrais défenseurs de l’agenda de l’Union africaine de la manière dont les dirigeants comme Nkrumah, Nyerere, Haïlé Sélassié, Gamal Abdel Nasser défendaient leurs agendas pour l’Afrique. Aujourd’hui dans un concept très pervers de non-ingérence dans les affaires des autres nations et dans une compréhension pervertie de la notion de souveraineté, l’Union Africaine reste silencieuse et inactive. Si des projets comme la ZLECAf donnent un aperçu de ce que l’Union Africaine peut servir, d’un autre côté il est difficile d’espérer des réformes ambitieuses de la part des dirigeants politiques actuels en accord avec l’Acte constitutif de l’Union africaine.

Dans un monde de plus en plus guidé par le rapport de force, les Africains ont réellement besoin d’une Union Africaine capable de faire face à des superpuissances comme les USA, la Chine et l’Union Européenne. 

L’Union Africaine d’aujourd’hui est à l’image des dirigeants africains actuels qui, pour la plupart, ont failli à leur mission et ont cédé à la corruption. Pour avoir une Union Africaine qui va servir exclusivement les intérêts des populations africaines, cela nécessite un engagement fort et une volonté de tous les pays africains de travailler ensemble. Cela implique de surmonter les différends historiques et les rivalités qui peuvent exister entre les pays africains, et de se concentrer sur les intérêts communs et les objectifs à long terme.

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