La dépendance des pays africains vis-à-vis de l’aide est un véritable problème

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L’aide étrangère est la somme totale des transferts monétaires des pays riches vers les pays pauvres sous forme de prêts concessionnels et de dons. L’aide étrangère prend également la forme d’une aide technique, qui implique le transfert de personnel qualifié des pays développés vers les pays en développement. 

Le processus de décolonisation qui a abouti aux indépendances dans les années 1950 et 1960 a été un revers pour les puissances coloniales, car cela impliquait une perte de leur sphère d’influence, qui s’est traduite par une perte de gains matériels, le principal motif du colonialisme. L’implication de cette révolution était que les puissances impériales devaient innover et trouver des moyens pacifiques pour continuer à exercer leur influence sur les anciennes colonies.

Les puissances coloniales ont profité du sous-développement des anciennes colonies pour exercer leur influence et l’aide au développement a été l’une des stratégies couramment utilisées à cet égard. La réalité en Afrique est que l’aide est, dans une large mesure, synonyme de trafic d’influence, qui est en fait une forme cachée de manipulation, de contrôle et de coercition – ou de colonialisme.

Les causes de la dépendance à l’aide en Afrique sont endogènes

En effet, certains dirigeants des pays africains bénéficiaires de l’aide étrangère se comportent comme des agents du néo-colonialisme. Ces dirigeants, de mèche avec certains membres de la classe moyenne, se contentent souvent du statu quo dans leur pays en perpétuant la dépendance à l’aide, car cela sert leur intérêt égoïste de se maintenir au pouvoir. Trop d’argent d’aide sans contraintes et une certaine forme de contrôle perpétuent leur maintien au pouvoir.

La plupart des pays africains bénéficiaires de l’aide ne possèdent pas d’infrastructure adéquate, ni d’institutions démocratiques responsables et transparentes pour gérer les ressources, y compris celles extraites de leurs territoires. Ainsi, l’aide et les ressources locales ont été siphonnées des coffres des pays africains pauvres et cachées dans des banques étrangères.

Ces activités néfastes de l’élite dirigeante ont conduit à un cercle vicieux de dépendance perpétuelle à l’égard de l’aide étrangère. Comme l’aide sert bien les intérêts des pays riches, elle ne cesse d’affluer en Afrique, même si elle est mal gérée par les pays bénéficiaires.

Réduire la dépendance des pays africains vis-à-vis de l’aide

En effet, le manque d’intégration continentale en Afrique représente un défi pour le développement économique du continent. Les pays africains font très peu de commerce entre eux. Bien qu’il y ait suffisamment de ressources en Afrique pour le développement, il est raisonnable de dire que ces ressources ne peuvent pas être gérées et déboursées pour financer le développement exclusivement au niveau national, elles devraient être exploitées dans le cadre d’une intégration continentale à laquelle les pays africains adhèrent et souscrivent volontairement.

En outre, l’Afrique devrait négocier de meilleurs accords avec les pays développés. Les pays africains devraient également diversifier leurs économies et cesser de dépendre des revenus générés par les exportations de ressources naturelles ; à cet égard, l’industrialisation est cruciale. Les pays Africains devraient créer des conditions pour mettre un terme à l’exportation des matières premières bruts. Exiger la transformation des matières premières bruts reste un bon moyen pour attirer les investisseurs.

Plus important encore, les gouvernements africains doivent endiguer les flux financiers illicites de capitaux hors du continent. Dans un rapport de la CNUCED publié en septembre 2020, l’Afrique perd chaque année environ 88,6 milliards de dollars américains en raison de la fuite illicite de capitaux, ce qui équivaut à 3,7 % du produit intérieur brut du continent.

Il s’agit des revenus provenant d’activités illégales, d’évasion fiscale, de transferts abusifs de bénéfices, de fausses factures commerciales, de la traite des êtres humains et du trafic de drogue, de la corruption, entre autres. Si ces activités sont endiguées, ces ressources pourraient être affectées au développement de l’Afrique, ce qui permettrait de réduire la dépendance de l’Afrique à l’égard de l’aide.

Dans le même ordre d’idées, les envois de fonds de la diaspora africaine pourraient être une autre source cruciale de fonds de développement ainsi que pour financer les balances extérieures en aidant à payer les importations de l’Afrique et à rembourser la dette extérieure. Selon les données de la Banque mondiale, les flux financiers de la diaspora comptaient pour 3,5 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique en 2019 alors que l’Aide Publique au Développement ne représentait que 2,2 % du PIB.

Ces montants énormes pourraient être utilisés pour soutenir les économies des pays africains, contrairement à l’aide, qui souvent n’est pas gratuite. Le plus grand défi auquel sont confrontés les pays africains en matière de transferts de fonds est, pour l’essentiel, le coût des transferts de fonds effectués par les migrants internationaux. Les pays africains doivent réduire ce coût si l’Afrique veut récolter entre 5 et 10 milliards de dollars US.

Outre les propositions ci-dessus, il est essentiel que les pays africains investissent une grande partie de leurs maigres ressources dans une éducation appropriée qui permettrait à sa jeunesse foisonnante de devenir des ingénieurs, des scientifiques et des entrepreneurs productifs. Il n’y a pas de raccourci pour le développement. Tous les pays qui se sont développés et qui continuent de s’élever ont investi dans leurs ressources humaines. L’Afrique a l’avantage compétitif d’être l’un des rares continents au monde à avoir une population jeune. 

En raison du manque d’opportunités économiques, la majorité des jeunes quittent l’Afrique en masse en direction de pâturages plus verts imaginaires en Occident. Il est décourageant de voir les images des corps noyés de jeunes Africains dans les hautes eaux de la Méditerranée alors qu’ils tentent de traverser vers l’Europe.

Au lieu de perdre ces corps productifs et actifs au profit des dangereux requins de la haute mer, les gouvernements africains devraient reconnaître ces personnes comme des ressources précieuses pour le développement. Si l’Afrique peut doter ces jeunes des compétences nécessaires pour participer aux économies modernes, ils pourraient contribuer positivement au développement économique du continent, ce qui permettrait de réduire la dépendance des pays africains vis-à-vis de l’aide.

Références :
Moyo, D. (2009). Dead Aid: Why Aid is not Working and How there is Another way for Africa? London: Penguin Group
Murithi, T. (2009). Aid Colonisation and the promise of African Continental Integration. In H. Abbas, & Y Niyiragira (Eds.), Aid to Africa: Redeemer or Coloniser? (pp.1-12). Harare: Pambazuka Press

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