La famille Sawiris, issue de la minorité copte et originaire de Haute-Égypte (gouvernorat de Sohag), est l’une des plus influentes d’Égypte. Fondé par le patriarche Onsi Sawiris, le groupe Orascom est devenu un conglomérat majeur, actif dans la construction, les télécommunications, le tourisme et l’immobilier de luxe. Leur succès, alliant héritage culturel et ambition économique, s’étend bien au-delà des frontières égyptiennes, faisant d’eux des acteurs clés dans plusieurs industries stratégiques.
Les trois frères Sawiris
Nassef Sawiris, le plus jeune des trois frères et l’homme le plus riche d’Égypte
Fondée en 1950 par Onsi Sawiris, Orascom Construction Industries (OCI), dirigée par Nassef, est un pilier de l’empire familial. Spécialisée dans les infrastructures et les engrais azotés, OCI opère dans plus de 20 pays et est cotée à la Bourse d’Amsterdam. En 2015, elle s’est scindée en Orascom Construction Limited (bâtiment) et OCI Fertilizers (engrais), optimisant ainsi sa structure. Nassef a diversifié ses investissements, détenant environ 7 % d’Adidas. Son approche stratégique repose sur l’expansion internationale et la valorisation. Sa fortune est estimée à 9,2 milliards de dollars américains en 2025.
Contrairement à certains héritiers qui se contentent de préserver leur patrimoine, Nassef Sawiris s’est imposé comme un bâtisseur ambitieux et visionnaire. Sous sa direction, le groupe familial s’est métamorphosé, dépassant largement le secteur initial de la construction pour investir dans des domaines aussi variés que les engrais, le ciment, ou encore les sports professionnels.
Plus surprenant encore, son investissement dans le club de football d’Aston Villa en Angleterre, aux côtés du milliardaire américain Wes Edens, démontre sa volonté de diversifier ses activités au-delà des secteurs industriels traditionnels. Et en décembre 2020, il a acquis une participation de 5 % dans la société new-yorkaise Madison Square Garden Sports, propriétaire des équipes NBA Knicks et NHL Rangers.
“Sawiris a toujours eu une vision claire de la mondialisation et de ses opportunités”, confie un analyste financier basé au Caire qui préfère rester anonyme. Il a compris très tôt que pour survivre dans un monde en mutation, il fallait transcender les frontières nationales et positionner ses entreprises sur l’échiquier mondial.
“C’est un homme d’une rigueur exceptionnelle, qui analyse chaque opportunité d’investissement avec une précision chirurgicale”, témoigne un ancien cadre dirigeant d’OCI.
Naguib Sawiris, le frère aîné
Né en 1954, Naguib est un pionnier des télécommunications. Diplômé de l’École polytechnique fédérale de Zurich, il a fondé Orascom Telecom Holding, leader dans les télécommunications en Afrique, au Moyen-Orient et au Pakistan. Il a modernisé les réseaux mobiles, notamment avec Mobinil en Égypte. Engagé politiquement, il a créé le Parti des Égyptiens Libres après la révolution de 2011, prônant un libéralisme laïc et critiquant les Frères musulmans. Il est également actif dans les médias, possédant des chaînes et journaux influents. Sa fortune s’élève à 3,3 milliards de dollars américains en 2025.
Naguib Sawiris est un homme d’affaires égyptien de renom, fondateur d’Orascom Telecom Holding (OTH), qu’il a conduit à devenir le principal acteur régional dans le secteur des télécommunications avant la fusion très médiatisée avec VEON (anciennement VimpelCom Ltd.) en avril 2011, créant ainsi le sixième plus grand opérateur mondial de téléphonie mobile.
Aujourd’hui, Naguib est président exécutif d’Orascom Investment Holding, une société de portefeuille diversifiée investissant dans des secteurs à forte croissance où il perçoit des opportunités de transformation et d’impact communautaire en Égypte et en Afrique, notamment dans les télécommunications et le développement touristique.
Il est également président de La Mancha Holding, le véhicule d’investissement privé en ressources naturelles du groupe Sawiris, avec des participations dans des sociétés minières telles qu’Endeavour Mining, Golden Star Resources et Altus Strategies. De plus, il préside Ora, une société spécialisée dans les développements immobiliers haut de gamme dans plusieurs emplacements privilégiés à travers le monde.
En 2015, la famille Sawiris a acquis une participation majoritaire dans Euronews, dont Naguib est président du conseil d’administration. La famille possède aussi plusieurs actifs dans le secteur des médias en Égypte.
Sur le plan international, Naguib Sawiris a siégé et siège encore dans de nombreux conseils, comités et groupes consultatifs, tels que le comité consultatif international de la Bourse de New York (NYSE), le conseil consultatif international de la Banque Nationale du Koweït, le groupe consultatif Afrique de la Bourse de Londres, ainsi que les conseils d’administration de la French University in Egypt et de l’Arab Thought Foundation.
Il est titulaire d’un diplôme d’ingénieur en mécanique avec une maîtrise en administration technique de l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH Zürich) et d’un diplôme de l’École évangélique allemande du Caire.
Naguib Sawiris a reçu de nombreuses distinctions honorifiques, dont la Légion d’Honneur française, la décoration de Commandeur de l’Ordre de la Stella della Solidarietà Italiana en 2011, et le prestigieux Sitara-e-Quaid-e-Azam du Pakistan en 2006 pour ses services dans le domaine des télécommunications, des investissements et du secteur social.
Un homme d’affaires engagé
En 2011, lors du Printemps arabe, il a ouvertement soutenu les manifestations contre le régime de Hosni Moubarak. Plus tard, il s’est montré critique envers les Frères musulmans puis envers certaines politiques du président Abdel Fattah al-Sissi.
Je ne suis pas un homme politique, je suis un homme d’affaires qui dit ce qu’il pense, déclarait-il à Bloomberg en 2018.
Cette liberté de ton lui a parfois coûté cher : certains de ses projets ont rencontré des obstacles administratifs dans son pays natal, ce qui l’a conduit à diversifier davantage ses investissements à l’international.
Samih Sawiris, le frère du milieu
Né en 1957, Samih se concentre sur le tourisme et l’immobilier de luxe via Orascom Development Holding. Ses projets, comme la station de ski d’Andermatt en Suisse ou des complexes touristiques en Égypte, Jordanie et Oman, ciblent une clientèle internationale fortunée. Innovant, il a débuté dans la construction de bateaux en fibre de verre avant de se diversifier à l’international. Marié et père de cinq enfants, sa fortune est estimée à 850 millions de dollars en 2025.
Samih, via Orascom Development Holding, développe des destinations touristiques intégrées (hôtels, résidences, loisirs) en partenariat avec des acteurs comme Club Med et LVMH. Ses projets phares incluent Andermatt en Suisse et des complexes au Maroc (360 millions d’euros à Essaouira), en Jordanie et en Oman.
Son projet phare reste “El Gouna”
C’est une station balnéaire luxueuse édifiée sur les rives de la mer Rouge dans les années 1990. Là où ne s’étendait qu’un désert inhospitalier, Sawiris a imaginé puis construit une ville entière avec marinas, terrains de golf, hôtels de luxe et résidences privées.
Cette cité de 22 000 habitants, traversée par des lagons artificiels, est devenue une référence mondiale en matière de développement touristique intégré et durable. El Gouna accueille aujourd’hui près de 200 000 touristes par an et abrite plusieurs institutions culturelles prestigieuses, dont un festival de cinéma reconnu dans le monde arabe.
“El Gouna représente parfaitement la vision de Samih Sawiris : créer de la valeur là où personne n’en voyait, tout en préservant l’environnement”, analyse Robert Johnson, spécialiste du tourisme de luxe au Moyen-Orient.
Des Alpes suisses à l’Oman
En 2008, Samih réalise un investissement audacieux à Andermatt, petit village suisse des Alpes uranaises en déclin. Pour près d’un milliard de dollars, il transforme cette bourgade montagnarde en station de ski haut de gamme, avec plusieurs hôtels cinq étoiles, un golf 18 trous et des résidences de prestige.
“Quand j’ai annoncé que j’allais investir dans les Alpes suisses, beaucoup m’ont pris pour un fou. Aujourd’hui, Andermatt est l’une des destinations alpines les plus en vue d’Europe”, confiait Sawiris au magazine économique suisse Bilanz en 2022.
À travers sa holding personnelle, Orascom Development Holding (ODH), cotée à la bourse suisse, Sawiris a également développé des projets touristiques au Monténégro (Luštica Bay), au Maroc (Chbika) et à Oman (Jebel Sifah et Hawana Salalah). Son modèle reste partout identique : identifier des zones à fort potentiel touristique mais sous-exploitées, puis y développer des destinations intégrées alliant hôtellerie de luxe et résidences.
Sawiris est connu pour son approche managériale directe et son implication personnelle dans chaque projet. “Il peut discuter des aspects techniques d’un chantier le matin et négocier avec des ministres l’après-midi”, raconte un ancien collaborateur qui préfère rester anonyme.
“Je ne peux pas créer quelque chose d’exceptionnel si je ne m’y investis pas personnellement”, déclarait-il lors d’une conférence économique au Caire en 2021.
Héritage et vision familiale
Onsi Sawiris a fondé Orascom dans les années 1950, reconstruisant l’entreprise après les nationalisations des années 1960. Ses fils ont spécialisé les branches du groupe : Nassef dans la construction, Naguib dans les télécommunications, et Samih dans le tourisme. Malgré des divergences, notamment sur la politique, leur vision commune repose sur l’innovation, la diversification et l’expansion internationale.
Les Sawiris incarnent un modèle d’entrepreneuriat alliant héritage, réussite économique et responsabilité sociale. Leur influence, tant en Égypte qu’à l’international, repose sur une stratégie adaptative face aux défis politiques et économiques, consolidant un empire résilient et diversifié.