La Cour pénale internationale : Un parti pris contre les États africains ?

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La CPI est le premier tribunal international, basée à La Haye aux Pays-Bas, pour juger des individus responsables de crimes internationaux graves : crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Sa compétence intervient lorsque les juridictions nationales ne peuvent poursuivre les auteurs.

Lors de l’adoption définitive du « Statut de Rome », inaugurant la Cour pénale internationale (CPI), le 1er juillet 2002, Koffi Annan, alors secrétaire général des Nations unies, déclarait que le monde venait de faire un pas en avant et mettait fin à l’impunité. Enfin, le monde disposait d’un instrument efficace et universel contre les atrocités dans le monde. En Afrique, la nouvelle a été accueillie avec enthousiasme car on croyait que la liberté des criminels avait des limites. Quelques années plus tard, les esprits sont au plus bas et une stratégie de retrait de la CPI a même été envisagée au sein de l’Union africaine. Un autre tournant semble être le fait que les puissances économiques contemporaines ne sont pas soumises à la juridiction de la CPI et ont manifesté des tendances protectionnistes.

Pour être accusé devant la CPI, les statuts prévoient trois modalités : à l’initiative du Procureur général, à la suggestion de l’ONU ou à la demande d’un gouvernement. Il n’est donc pas possible de porter individuellement une affaire devant la CPI. En revanche, les statuts ne s’appliquent qu’aux pays signataires. Les membres des pays non signataires sont exclus de cette Cour sauf si les crimes ont été commis sur un territoire sous la juridiction d’un pays signataire.

Cela dit, la CPI est née avec deux handicaps : la mauvaise volonté des grandes puissances et le manque de moyens policiers pour faire appliquer les décisions.

En premier lieu, les pays généralement considérés comme des puissances mondiales capables de faire pression sur le reste de la planète n’ont pas voulu rejoindre la Cour. En effet, les trois pays disposant du droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU ne figurent pas sur la liste des pays signataires du Statut de Rome : les Etats-Unis, la Russie et la Chine. A leurs côtés, d’autres pays de grande importance géostratégique comme l’Inde, le Pakistan, etc. Sans la présence de ces puissances, la CPI ne pourrait naître que boiteux dans sa vocation universaliste.

Deuxièmement, on sait que les décisions de justice nécessitent une force coercitive pour être exécutées. Dans tout pays, les Administrations et surtout la police sont chargées de remplir ce rôle. S’il n’y avait pas de police ou autre force similaire capable de faire appliquer les décisions de justice, les juges resteraient impuissants et leurs jugements seraient lettre morte. Quant au second handicap, la CPI ne dispose d’aucun mécanisme propre pour capturer les criminels au-delà de la bonne volonté de collaboration des pays dans lesquels ils se trouvent. 

Un parti pris contre les États africains ?

Il y a quelques années, le Burundi a annoncé son retrait de la Cour. Peu après, l’Afrique du Sud et la Gambie ont suivi. Au Congo Brazzaville, il y a eu une manifestation en faveur du retrait. Le président ougandais a dit un jour qu’il ne considérait plus la CPI comme sérieuse. Tous les analystes craignent un effet domino. Sommes-nous face à une « Afroexit » ? 

En effet, l’attention excessive accordée par la Cour à l’Afrique, au détriment des crimes commis sur d’autres continents, est critiquée. De nombreuses affaires ont été déférées à la Haye soit par les gouvernements eux-mêmes, soit à l’initiative du parquet, soit à la demande du Conseil de sécurité de l’ONU. Au niveau mondial, une trentaine d’affaires sont entre les mains de la Cour, déjà jugées, en procès ou avec leurs auteurs en recherche et capture. Il s’avère que sur les 30 cas, 29 sont africains : au Soudan, au Kenya, en RD Congo, en Ouganda, en Sierra Leone, en Centrafrique, en Libye, en Côte d’Ivoire et au Mali. Soudain, la question se pose : les crimes contre l’humanité ne sont-ils commis qu’en Afrique ? Il n’y a pas de crimes contre l’humanité en Israël, en Afghanistan, en Irak, en Ukraine, au Yémen, etc.

Les faits semblent donner raison aux détracteurs de la Cour. Si la CPI est vraiment universelle, pourquoi ne juge-t-elle que les Africains ? En effet, ce qui est mis en doute n’est pas la nécessité d’une Cour Pénale Internationale, ni l’existence de crimes en Afrique, mais plutôt l’apparente partialité lorsqu’il s’agit de poursuivre les criminels. 

Aujourd’hui, la justice pénale internationale est de plus en plus remise en question par les gouvernements africains. Ces derniers rejettent une justice occidentale qu’ils perçoivent comme sélective, applicable uniquement aux pays africains, sans tenir compte des autres régions dans lesquelles des crimes similaires sont commis.

Le problème le plus déstabilisant, est que la CPI n’a pas le soutien des grandes puissances. Si les États-Unis, la Russie, la Chine et bien d’autres étaient membres de la CPI, le concept de Cour internationale aurait été plus crédible. Dans les faits, la CPI opère comme un tribunal de quelques États dotés de systèmes juridiques faibles. S’il est vrai que la CPI ne juge que les africains, il convient également de noter que la plupart de personnes actuellement concernées par la CPI ont été inculpées à la demande des gouvernements africains. 

Toutefois, l’ONU ou le procureur général peut traduire un “criminel africain” à la CPI là où ils seraient incapables de faire la même chose avec un “criminel américain” par exemple. Même si les USA ne sont pas un pays signataire du Statut de Rome, il y a des crimes graves qui ont été commis par des officiers américains en Afghanistan par exemple, mais on ne voit pas l’ONU les traduire à la CPI, à part faire quelques déclarations pour la forme. C’est donc cette partialité qui est inacceptable. Ce manque d’équité de la CPI à l’égard des Africains a cultivé dans l’imaginaire collectif, l’idée que la CPI est devenue le bras droit de l’Occident pour perpétuer son néo-colonialisme. Pour le journaliste Nourdine Elbachir, le mandat d’arrêt de la CPI contre Poutine vient nous rappeler tous ces grands criminels occidentaux quelle a fait semblant de ne pas voir. Elle vient aussi nous confirmer quelle est aux ordres de loccident, comme la FiFA et les instances internationales censées être apolitiques.

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