Les populations africaines en quête de réelle souveraineté, plaident pour une sortie du FCFA. Tandis que, les politiques africains partisans de la Françafrique tentent de maintenir le statu quo, en soulignant la stabilité macroéconomique que procure cette monnaie, son apport positif dans le commerce intra-régional et sa contribution au développement économique des pays de la zone franc.
En Afrique, il a été naturel pour les pays qui sont devenus indépendants, qui sont émancipés de leur puissance colonisatrice, d’émettre leur propre monnaie. Parce que c’est un instrument de souveraineté. Et ça a été le cas pour tous les pays, sauf ceux de la zone franc qui utilisent le FCFA. Ces pays qui utilisent le Franc CFA n’ont pas de souveraineté monétaire formelle. Et ça, c’est dû à la manière dont ces pays ont obtenu leur indépendance. La France a négocié avec ces pays pour les accorder une indépendance sans souveraineté.
Cela dit, l’arme monétaire FCFA est un outil utilisé pour contraindre les pays Africains à se plier à des politiques d’austérité pour brader les ressources et les exportations et en même temps permettre à une certaine élite de bénéficier de cette monnaie qui en réalité est beaucoup trop forte pour les économies africaines. Le FCFA fait partie de l’infrastructure du néocolonialisme français qu’on appelle Françafrique.
Lorsqu’on voit les économistes se prononcer sur la question du FCFA, c’est parce qu’ils estiment qu’il est important de faire évoluer la politique monétaire des Etats Africains dans un contexte continental où la totalité des autres pays qui ont leur indépendance ont une monnaie nationale. Il y a un débat sur la question de la souveraineté monétaire, du fait que le FCFA ait assimilé à une monnaie liée à l’histoire de la colonisation. C’est une monnaie coloniale née pendant la colonisation. Du coup, les contestations populaires sont totalement légitimes et elles s’inscrivent dans une évolution de la sociologie africaine. Les populations africaines de 2023 ne sont pas celles de 1960, ni celle de 1994 et réclament davantage de marges d’actions quant à la prise en main de leur destin économique.
Les échanges commerciaux entre les pays de la zone franc sont très faibles. Objectivement, les pays de la zone franc occupent les derniers rangs dans le classement IDH des pays du monde. L’économie de ces pays dépend en partie de l’exportation des matières premières ou des produits de base. D’ailleurs, la zone franc n’est pas la première destination de l’IDE (Investissement Direct Etranger) de la France en Afrique. Dans la zone CFA, les banques ne prêtent que très peu aux ménages et aux entreprises.
Conscients que sans souveraineté monétaire, il ne peut y avoir d’émancipation économique, les activistes panafricains ont entrepris des démarches de sensibilisation pour conscientiser les masses africaines sur les tares du FCFA.
Grâce à ces intellectuels et activistes politiques, les populations africaines plaident aujourd’hui pour une souveraineté monétaire. Ils ne veulent plus de la garantie de la France. Ils ne veulent plus de représentants français dans les conseils d’administrations des banques centrales. Ils ne veulent plus de compte d’opérations, de centralisation des réserves de change à Paris. Les réserves en devises devraient repasser sous le contrôle des pays africains. Ils veulent renommer le FCFA et les faire fabriquer ailleurs qu’en France. Ils ne veulent plus de régime de change fixe.
Les principales critiques des intellectuels africains sur le FCFA
Les différents économistes qui se sont penchés sur le FCFA soulignent que ses mécanismes ne permettent pas aux États concernés de mener une politique monétaire autonome. Le régime de change fixe, gage de “stabilité” contre l’inflation, empêche les pays africains d’être compétitifs sur les prix. L’arrimage à l’euro, qui est une monnaie “forte” empêche les producteurs africains d’être compétitifs, se retrouvant avec des coûts de production élevés, rendant leurs produits plus chers que les produits importés.
Selon Moussa Dembélé, la parité fixe du FCFA soumet les politiques monétaires de la zone franc aux impératifs de la Banque centrale européenne, obnubilée par la discipline budgétaire et la lutte contre l’inflation, alors que la priorité de nos pays sous-développés devrait être l’emploi, l’investissement dans les capacités productives et la création d’infrastructures. Le principe de libre-transfert dans la zone franc facilite le rapatriement des revenus (les intérêts de la dette et les rémunérations des travailleurs non résidents) à l’étranger. Ce qui s’apparente à du pillage des ressources africaines vers le reste du monde.
Les taux d’intérêt réels pour les crédits restent particulièrement élevés dans la Zone franc, réduisant les volumes de crédits accordés aux entreprises et aux ménages. Les banques centrales de la Zone franc ont pour seuls objectifs de contenir l’inflation et non de favoriser la croissance et la création de l’emploi.
Limiter la question du FCFA à la stabilité ou la maîtrise de l’inflation, c’est ôter le choix aux pays CFA de décider de la ligne politique économique qu’ils souhaitent suivre. L’inflation n’est pas forcément le signe d’une bonne santé économique. Selon les économistes africains, les pays CFA ont plus besoin d’une politique monétaire axée sur la création d’emplois plutôt que sur la maîtrise de l’inflation.
Faut-il continuer avec le FCFA ?
Le plus important ici est que la politique monétaire soit adaptée aux besoins de l’économie et qu’elle soit cohérente avec les objectifs économiques des pays concernés. Il existe différents objectifs de politique monétaire qui peuvent varier d’un pays à l’autre, en fonction de leurs particularités économiques et de leurs priorités. Certains pays peuvent avoir pour objectif de maintenir la stabilité des prix et de lutter contre l’inflation, tandis que d’autres peuvent viser à soutenir la croissance économique ou à réduire le chômage.
Un taux de change fixe sous-évalué ne confère aucun avantage commercial permanent car il finira par entraîner une hausse des prix intérieurs, annulant l’avantage de prix offert par le taux de change.
L’un des principaux avantages des taux de change flexibles est l’autonomie sur la politique monétaire qu’ils confèrent à la banque centrale d’un pays. Lorsqu’il est utilisé à bon escient, le pouvoir discrétionnaire de la politique monétaire peut fournir un mécanisme utile pour guider une économie nationale. Une banque centrale peut injecter de l’argent dans le système lorsque la croissance économique ralentit ou chute, ou elle peut réduire l’argent lorsqu’une croissance trop rapide conduit à des tendances inflationnistes.
Les pays Africains qui ont quitté cette monnaie se portent bien : le Maroc avec le Dirham, la Tunisie avec le dinar tunisien, l’Algérie depuis 1963. Une seule exception : la Guinée Conakry. Et pour cause : La France a torpillé le pays, multipliant sa monnaie et en la déversant dans le pays par les airs. Le paysan allant au champ qui ramasse une liasse d’argent rentre chez lui et ne travaille plus. La conséquence a été l’asphyxie de l’économie de Guinée Conakry et le durcissement du régime d’Ahmed Sékou Touré pour tenter un redressement de la situation.
L’argument courant des partisans du FCFA est la stabilité des prix et la lutte contre l’inflation. Cependant, faire de la lutte contre l’inflation, l’objectif principal de la politique monétaire limite les opportunités économiques pour les pays CFA.
Le Professeur Koulibaly, économiste et homme politique ivoirien, a appelé à la création d’une monnaie commune pour les pays d’Afrique de l’Ouest, qui serait contrôlée par une banque centrale régionale. Il a également proposé la mise en place d’un système de change flexible qui permettrait aux pays africains de s’adapter aux fluctuations du marché et de favoriser la compétitivité de leurs exportations.
Pourquoi le Franc CFA continue d’exister ?
La raison pour laquelle le FCFA continue d’exister en dépit des problèmes techniques et de souveraineté que pose cette monnaie, c’est parce que les gouvernements de la zone CFA ne veulent pas prendre de risques et défier le système en place. Pour les masses africaines, il ne peut y avoir d’avenir pour le FCFA dans une Afrique souveraine.