Startups africaines : en 2024, voici le top 10 des pays les mieux financés

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En 2024, le financement des startups africaines a été fortement concentré autour d’un petit groupe de pays leaders, surnommés le « Big Four » : le Kenya, le Nigeria, l’Égypte et l’Afrique du Sud. Ces quatre pays ont capté à eux seuls 84 % des fonds levés sur le continent, soit environ 1,842 milliard de dollars sur un total de 2,2 milliards.

Voici le top 10 des pays les mieux financés en 2024

Rang Pays Montant levé (en millions USD) Part du total (%)
1 Kenya 638 29
2 Nigeria 410 18,6
3 Égypte 400 18,2
4 Afrique du Sud 394 17,9
5 Maroc 70 3,2
6 Ghana 68 3,1
7 Tanzanie 53 2,4
8 Bénin 50 2,3
9 Côte d’Ivoire 33 1,5
10 Sénégal 22 1

Après l’euphorie des dernières années, le financement des startups africaines a marqué le pas en 2024. D’après la plateforme Africa: The Big Deal, environ 2,2 milliards de dollars ont été levés (capital, dette et subventions confondus), soit 25 % de moins qu’en 2023. D’autres sources donnent des estimations différentes – le fonds Partech Africa évalue le total à 3,2 milliards (-7 % seulement) en incluant davantage de transactions (notamment la dette), tandis que Briter Bridges évoque 2,8 milliards (-28 % sur un an) en financements « déclarés ». Malgré ces variations méthodologiques, la tendance est claire : le financement s’est contracté par rapport à 2023, reflet du ralentissement mondial du capital-risque.

Ce repli fait suite à une année 2023 déjà difficile (-46 % par rapport au pic de 2022) et s’accompagne d’une légère baisse du nombre d’opérations. Par exemple, le nombre de levées supérieures à 1 million de dollars est tombé à 188 (contre 209 en 2023). Cependant, l’écosystème africain fait preuve de résilience. La baisse reste modérée comparée au choc de 2023, et certains signaux sont encourageants : le volume de deals semblait reparti à la hausse en première moitié de 2024 avant de ralentir fin d’année, les investisseurs actifs sont un peu plus nombreux qu’en 2023, et plusieurs tours géants (« megadeals ») ont permis de stabiliser le marché.

Comme le souligne le fonds Partech, « l’écosystème VC africain demeure solide, et ce sans bénéficier (pour l’instant) de l’engouement mondial autour de l’IA ». Ce constat met en avant le rôle moteur de secteurs clés comme la fintech dans la résilience du marché africain.

Les quatre principaux marchés en tête des levées de fonds : le « Big Four » africain

En 2024, le quatuor Nigeria – Afrique du Sud – Égypte – Kenya reste en tête des financements en capital, concentrant à lui seul environ 84 % des fonds investis dans les startups du continent. Cette domination, bien qu’en légère baisse par rapport aux années précédentes, illustre la maturité et l’attractivité de ces écosystèmes.

Kenya (#1)

Le Kenya se hisse cette année au 1er rang des destinations de financement, avec environ 638 millions de dollars levés, soit 29 % du total continental. Ce montant exceptionnel, en hausse pour la deuxième année consécutive, s’explique par une série d’investissements majeurs dans la climate tech et l’énergie propre, notamment les levées de fonds de sociétés comme d.light, SunCulture ou BasiGo (bus électriques). Le Kenya confirme ainsi son statut de hub technologique de premier plan en Afrique de l’Est, héritage du succès de M-Pesa (paiements mobiles) qui a ouvert la voie à l’innovation dans la fintech, l’énergie et l’agriculture. À noter : selon le mode de calcul, le Kenya arrive parfois en 4e position sur le seul financement equity, mais conserve la première place en montant total levé.

Nigeria (#2)

Longtemps numéro 1, le Nigeria reste un pilier du financement, oscillant entre la première et la deuxième place selon les sources, avec entre 410 et 520 millions de dollars levés en 2024. Lagos demeure un pôle incontournable, notamment porté par la fintech, avec des levées majeures comme les 110 millions de dollars de Moniepoint ou les 100 millions de Moove. Le Nigeria compte de nouvelles licornes et profite d’un marché intérieur immense, propice à l’émergence de champions technologiques.

Égypte (#3)

L’Égypte consolide sa troisième place avec près de 400 millions de dollars levés, malgré une baisse d’environ 30 % par rapport à 2023. Le nombre de deals y a bondi de 48 %, signe d’un foisonnement de jeunes startups, notamment dans la fintech et le e-commerce. Le Caire attire des investisseurs africains et moyen-orientaux et prépare le terrain pour de futures success stories.

Afrique du Sud (#4)

L’Afrique du Sud a levé environ 394 millions de dollars en 2024, un montant en baisse de 16 % sur un an. Le pays a bénéficié d’un tour emblématique : la banque digitale TymeBank a bouclé 250 millions de dollars, accédant ainsi au statut de licorne. La fintech demeure le moteur principal, soutenue par un système financier sophistiqué et des investisseurs locaux actifs. L’écosystème sud-africain compte également des startups innovantes en IA, santé ou e-commerce, et reste le hub incontesté de l’Afrique australe.

Au-delà du « Big Four » : l’émergence de nouveaux hubs régionaux et le Top 10 africain

Si les quatre grands marchés (Nigeria, Kenya, Égypte, Afrique du Sud) concentrent toujours l’essentiel des fonds, d’autres pays africains commencent à se distinguer et complètent le Top 10 des écosystèmes les mieux financés en 2024. Ces marchés émergents – Maroc, Ghana, Tanzanie, Bénin, Côte d’Ivoire, Sénégal – ont chacun attiré entre 20 et 70 millions de dollars sur l’année. Leur progression traduit un élargissement géographique graduel de l’écosystème tech africain.

Maroc (#5)

Avec environ 70 millions de dollars levés en 2024, le Maroc s’affirme comme le premier marché tech d’Afrique du Nord après l’Égypte. Ce total, en léger recul par rapport à 2023 (-11 %), inclut plusieurs tours de table notables dans la fintech, l’e-commerce et les greentech. L’écosystème marocain bénéficie de la stabilité politique du royaume et de sa proximité avec l’Europe, ce qui attire des investisseurs internationaux francophones. Des startups comme Chari (commerce B2B) ou Paytech (fintech) figurent parmi les jeunes pousses en vue de Casablanca et Rabat. Le gouvernement marocain multiplie par ailleurs les initiatives pour soutenir l’innovation (fonds d’amorçage, hubs technologiques), renforçant l’attractivité du pays.

Ghana (#6)

Le Ghana a totalisé environ 68 millions de dollars de financements en 2024, soit une hausse d’environ 36 % par rapport à 2023. Accra confirme ainsi son rang de hub technologique en Afrique de l’Ouest anglophone. Le pays se distingue par une constance remarquable : il parvient à dépasser les 50 millions de dollars levés chaque année depuis 2019, et même les 100 millions quatre fois sur les six dernières années – une performance rare hors Big Four. Les fintechs dominent l’écosystème ghanéen (paiements mobiles, prêt digital avec des acteurs comme Zeepay ou Fido), aux côtés de startups de santé et d’agritech telles que mPharma (pharmacie en ligne) ou Farmerline.

Tanzanie (#7)

La Tanzanie fait un bond spectaculaire en 2024 avec 53 millions de dollars levés, soit une progression de +1150 % sur un an. Ce saut s’explique principalement par la levée exceptionnelle de 40 millions de dollars par la fintech Nala. Longtemps en retrait par rapport au voisin kényan, la Tanzanie commence à attirer l’attention des fonds grâce à des réformes, des initiatives locales et des startups innovantes dans la logistique et l’énergie solaire.

Bénin (#8)

Le Bénin doit ses 50 millions de dollars levés en 2024 presque entièrement à une seule opération hors-norme : la startup d’e-mobilité Spiro (motocyclettes électriques) a bouclé un tour de 50 millions de dollars, propulsant Cotonou sur la carte tech africaine. Ce deal illustre le potentiel de marchés jusqu’alors discrets, dès lors qu’un champion local émerge dans un secteur porteur.

Côte d’Ivoire (#9)

L’écosystème ivoirien continue de monter en puissance avec environ 33 millions de dollars levés en 2024. Abidjan bénéficie d’une économie vigoureuse et d’une position de hub régional naturel. En 2024, plusieurs fintechs ivoiriennes ont réalisé des levées notables, à l’instar de Djamo (services bancaires numériques) ou Julaya (paiements B2B). D’autres secteurs se développent, comme la logistique et l’e-commerce, soutenus par une adoption croissante du numérique.

Sénégal (#10) 

Avec 22 millions de dollars levés, le Sénégal ferme la marche du Top 10 en 2024. Le pays dispose d’atouts solides : il a été parmi les premiers en Afrique à adopter une loi Startup Act offrant un cadre incitatif, et Dakar accueille le siège de fonds internationaux ainsi que des programmes d’accélération. La présence d’acteurs majeurs comme Wave, et plus récemment l’essor de fintechs régionales, confère au Sénégal une visibilité et attire les regards sur l’ensemble de l’Afrique francophone.

À noter : En dehors de ces dix marchés, aucun autre pays africain n’a dépassé 20 millions de dollars de levées en 2024, ce qui souligne la forte concentration géographique des capitaux, même si l’émergence de hubs secondaires se confirme progressivement.

Les secteurs moteurs

En 2024, la fintech demeure le secteur phare du financement des startups africaines. Selon les données compilées, environ 60 % des fonds en equity ont été investis dans des startups de la finance numérique, soit plus que tous les autres secteurs cumulés. Ce secteur a même connu une croissance notable, avec une augmentation de 59 % en valeur par rapport à 2023.

La fintech domine

L’Afrique compte une population jeune, largement équipée en téléphones mobiles, mais avec un accès bancaire traditionnel limité. Les fintechs comblent ce vide en proposant des solutions de paiement mobile, des prêts en ligne, de l’assurtech ou des services bancaires digitaux adaptés aux réalités locales.

  • Méga-levées : Plusieurs levées de fonds majeures en 2024 sont liées à la fintech, comme la banque digitale TymeBank en Afrique du Sud (250 millions de dollars), la plateforme de micro-crédit automobile Moove au Nigeria (100 millions), ou encore Moniepoint (110 millions) et Nomba au Kenya.
  • Attractivité des investisseurs : La fintech est perçue comme un secteur à fort potentiel de croissance et de rentabilité, capable de transformer les économies africaines.

La tech climatique gagne du terrain

Parallèlement à la fintech, les technologies climatiques et durables connaissent un essor significatif, notamment en Afrique de l’Est. Le Kenya illustre bien cette tendance, avec des levées de fonds importantes dans des entreprises comme d.light (énergie solaire domestique), SunCulture (agritech) et BasiGo (mobilité électrique). Ces startups répondent à des enjeux cruciaux : accès à l’énergie propre, adaptation au changement climatique, développement durable.

Des projets d’énergie renouvelable en Afrique australe, souvent financés sous forme de dette par des fonds climat ou des institutions de développement.

Cette dynamique est soutenue par des acteurs non traditionnels du capital-risque, comme les bailleurs de fonds internationaux et les fonds à impact, qui comblent les lacunes du financement classique. Ainsi, tandis que les fonds privés se concentrent sur la fintech et les grands hubs, les financements publics et à impact favorisent l’émergence de la climate tech et de l’agritech.

Autres secteurs en développement

Outre la fintech et la tech climatique, des secteurs comme la santé numérique, la logistique, et l’e-commerce continuent de progresser, portés par la digitalisation croissante des économies africaines. Ces segments attirent des investissements plus modestes mais réguliers, contribuant à la diversification de l’écosystème.

Un écosystème en mutation, entre défis et opportunités

L’année 2024 aura confirmé le ralentissement du financement des startups africaines, mais aussi la capacité de l’écosystème à s’adapter et à rebondir. Malgré une contraction des montants investis – entre 2,2 et 3,2 milliards de dollars selon les sources, soit une baisse de 7 à 25 % par rapport à 2023 – l’Afrique conserve une dynamique entrepreneuriale remarquable.

Le « Big Four » (Kenya, Nigeria, Égypte, Afrique du Sud) reste le moteur principal, concentrant à lui seul 84 % des capitaux levés. Le Kenya s’impose comme le nouveau leader, porté par la climate tech et l’innovation dans l’énergie, tandis que le Nigeria et l’Afrique du Sud confirment leur statut de hubs historiques grâce à la fintech et à l’émergence de licornes. L’Égypte, malgré un contexte économique difficile, continue d’attirer un nombre croissant de jeunes pousses et d’investisseurs.

Au-delà de ces géants, l’émergence de nouveaux hubs régionaux (Maroc, Ghana, Tanzanie, Bénin, Côte d’Ivoire, Sénégal) montre que la tech africaine s’élargit progressivement, même si la concentration géographique des capitaux reste forte. Le cas du Bénin, propulsé par une seule méga-levée dans l’e-mobilité, illustre le potentiel de marchés jusqu’alors discrets, à condition de voir émerger des champions locaux.

La fintech demeure le secteur roi, attirant plus de la moitié des fonds investis grâce à une demande massive de services financiers innovants. Mais la montée en puissance des technologies climatiques, de l’agritech, de la santé numérique ou encore de la mobilité verte témoigne d’une diversification progressive, soutenue par des investisseurs à impact, des bailleurs internationaux et des politiques publiques de plus en plus volontaristes.

Pour l’avenir, le défi sera de transformer l’essai : multiplier les success stories locales, renforcer l’investissement domestique, développer des cadres réglementaires favorables et accompagner la montée en puissance de nouveaux secteurs. Malgré les incertitudes du marché mondial, l’Afrique dispose d’atouts uniques – jeunesse de sa population, adoption rapide du numérique, créativité entrepreneuriale – pour s’imposer comme un acteur incontournable de l’innovation mondiale.

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