Relever les défis de la recherche en Afrique

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De récentes études indiquent que l’Afrique génère 3% de la production mondiale de recherche malgré le fait qu’elle représente environ 17% de la population mondiale.

Cela fait plus de 20 ans que les pays africains connaissent une désinstitutionnalisation de la recherche. Les politiques d’ajustements structurels de la Banque mondiale considéraient que l’Éducation était un luxe onéreux pour les Africains. Ses politiques ont gravement impacté les infrastructures de recherche dans les pays Africains. Et avec une destruction de la capacité de recherche, il y a eu un drainage de cerveaux et une perte considérable de chercheurs en Afrique. Auprès des institutions scientifiques, il y a eu une consolidation du réflexe d’aller vers un financement international sans quoi rien ne pouvait être fait.

Les domaines de spécialisation où la production scientifique est la plus élevée dans la recherche africaine sont : les sciences agricoles, les sciences de la terre et les sciences sociales. Et dans certains pays comme la Tunisie, il y a beaucoup plus de productions dans les sciences médicales.

Les défis de la recherche en Afrique

La recherche est inégalement répartie sur le continent. Et elle est peu représentée dans certaines disciplines. Les pays d’Afrique du Nord, de l’Est et du Sud sont dans une situation plus favorable que les pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale. Les collaborations intra-africaines restent assez rares. 

La recherche africaine reste encore très indépendante des financements internationaux. Si les financements nationaux sont encore faibles, la recherche africaine est dépendante d’une aide internationale. Et donc laisse une part importante au privé et à la philanthropie. Une multitude d’acteurs internationaux interviennent dans le financement de la recherche africaine souvent sans coordination, ni inscription dans une stratégie nationale de long terme.

Certains pays africains ont considérablement investi dans la recherche, d’autres beaucoup moins. L’investissement vient principalement du secteur public ou de l’étranger. Les sources de financement étrangères sont à la fois une bénédiction et une malédiction. Les bailleurs internationaux ont tendance à imposer leur volonté et orienter la recherche, parfois au détriment des besoins réels des populations. La Fondation Bill & Melinda Gates est l’un des bailleurs incontournables qui contribue au financement de la recherche en Afrique.

Les entreprises qui investissent le plus dans la recherche sur le continent sont les sociétés pharmaceutiques qui bénéficient souvent du financement des programmes internationaux pour la recherche sur la santé.

Dans le domaine de la recherche, on a rarement des données factuelles et dans beaucoup de pays Africains, les données au niveau national ne sont pas facilement accessibles.

En Afrique, les programmes d’appui à la recherche ont souvent tendance à ne pas intégrer les établissements d’enseignement supérieur. Les universités publiques sont souvent les seules à allier recherche et enseignement supérieur.

L’un de gros de challenges des pays Africains est de consolider la recherche au sein des Universités. Cette conscience que la recherche s’effectue dans les Universités et pas uniquement dans les centres spécialisés sur la Santé ou l’environnement reste quelque chose de nouveau. Certains gouvernements sont plus avancés que d’autres sur la question.

Les principaux problèmes de la recherche en Afrique sont nombreux, à savoir :

• Les gens qui travaillent dans les Universités n’ont pas suffisamment de temps pour se consacrer à la recherche à cause de la charge d’enseignement

• Il y a un décalage entre les réels besoins des pays et ce qui est publié dans les journaux

• La reconnaissance individuelle dans le contexte académique est encore insuffisante dans un grand nombre de pays

• La mobilité reste très limitée et n’est pas considérée comme étant importante par les institutions (voyager à l’étranger est considéré comme un privilège)

• Les questions linguistiques ne sont pas traitées par qui que ce soit, que ce soit dans le Nord ou dans le Sud

• Les accès aux publications sont un réel problème

• Il est difficile d’obtenir du financement pour la recherche dans les sciences sociales quand ce n’est pas lié à des problèmes environnementaux ou de santé

• Les chercheurs Africains ont un problème de visibilité dans les revues internationales

Agir pour relever le niveau de la recherche en Afrique

  1. Construire un écosystème national de la recherche

Sur le terrain, il y a besoin de construire les capacités de pilotage, d’incitation à la qualité, de coordination des activités de recherche. Les Ministères de recherche en Afrique sont un peu dépourvus et n’ont pas forcément une vision, n’ont pas forcément une vraie stratégie nationale de recherche. Et même quand ils l’ont, souvent les acteurs internationaux ne s’inscrivent pas dans cette stratégie nationale de la recherche. 

  1. Mieux valoriser les recherches des chercheurs nationaux

Il y a besoin d’appuyer les chercheurs qui font des productions. Il y a le besoin d’améliorer l’accès aux publications, souvent les publications dans les pays Africains sont difficilement accessibles. Il y a aussi besoin de plus de moments de rencontres entre chercheurs nationaux et décideurs. En Côte d’ivoire par exemple, il y a les Knowledge Café autour des questions d’emplois qui permettent à des chercheurs de présenter leurs travaux aux décideurs. Et c’est extrêmement important pour mieux connecter recherche et décision.

  1. Renforcer les capacités des chercheurs africains

Les chercheurs Africains ont besoin de renforcer leurs capacités notamment sur des sujets comme le “Fund Raising”, c’est-à-dire la capacité d’aller collecter les financements à l’international. On peut observer en Afrique centrale que les chercheurs et les institutions ne savent pas répondre à un Appel d’Offres international de recherches. Ils n’ont pas les codes. 

Il y a besoin de les aider à mieux communiquer leurs travaux, à mieux présenter leurs recherches. Il y a besoin qu’ils soient mieux pourvus en outil de recherche. 

Il y a aussi le besoin de mobilité accrue. Des chercheurs Africains qui vont à l’international et les chercheurs internationaux qui viennent s’installer au niveau des universités africaines. C’est un modèle très intéressant qui crée beaucoup de capacités locales.

  1. Renforcer la capacité des institutions nationales de recherche

Les universités ont de gros problèmes de gouvernance, ils ne sont pas forcément très bien gérés. Ils n’ont pas d’autonomie financière. Les départements de recherches n’ont pas d’autonomie de gestion. C’est donc compliqué pour eux, même s’ils le voulaient, de répondre à des appels d’offres internationaux. Il y a besoin de consolider ses différentes institutions de recherche africaines pour qu’elle soit capable d’aller chercher du financement à l’international. Les institutions nationales pourraient développent une stratégie qui réponde à la demande locale et sur laquelle ils pourraient se baser pour aller chercher du financement à l’international. 

  1. Miser sur les stratégies et les réseaux régionaux

En Afrique, il n’y a pas forcément besoin d’avoir une institution de recherche sur tous les sujets dans chaque pays, ça veut dire qu’il y a possibilité de mettre en place des structures régionales de recherche. Il y a besoin de revues scientifiques au niveau régional. Il faut que ces structures régionales soient connectées aux décideurs. Et qu’ils aient la capacité d’aller chercher du financement à l’international. Il faut également qu’il valorise la qualité des publications. 

  1. Il y a finalement le besoin d’avoir une coalition d’acteurs autour du sujet de la recherche en Afrique

La recherche pour quelle finalité ?

L’objectif de la recherche, ce n’est pas seulement faire de la recherche pour faire de la recherche. L’objectif, c’est de pouvoir communiquer le résultat de ses recherches. Au Nigeria par exemple, le chercheur en moyenne en sciences sociales ne sait pas comment communiquer ses travaux de recherche que ce soit dans les revues internationales ou auprès des bailleurs de fonds.

Même s’il y a beaucoup de recherches publiées dans les journaux scientifiques ou les revues scientifiques locales, celles-ci n’arrivent pas souvent au niveau des revues internationales. Comme il n’y a que très peu de visibilités des revues locales, on arrive à des qualités de travaux de recherches un peu limitées.

C’est bien de faire de la recherche, mais il faut que ça serve à quelque chose au final. Les gouvernements peuvent s’en servir par exemple pour mettre en place des politiques de développement et ça peut faciliter la prise de décision. Dans la réalité, dans certains pays Africains, l’utilisation des travaux de recherche dans le domaine des politiques est très faible. Généralement, ceux qui élaborent les politiques consultent rarement les travaux scientifiques. Mais s’appuie beaucoup sur les données, la recherche, dans le discours politique.

Développer la recherche au niveau national, c’est aussi reprendre le contrôle des savoirs locaux et inventer son propre modèle de développement. Néanmoins, l’aide internationale joue un rôle capital dans l’identification, le financement et la mise en œuvre de la recherche africaine, un rôle qui doit être remis en question.

Références :
AFD, Panorama et financement international de la recherche africaine

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