Mo Ibrahim, de son nom complet Mohammed Fathi Ahmed Ibrahim, est un entrepreneur soudanais-britannique né le 3 mai 1946 au Soudan. Issu d’une famille modeste d’origine soudanaise, il est devenu l’un des hommes les plus influents d’Afrique grâce à son génie en télécommunications et son engagement philanthropique. Milliardaire depuis la vente spectaculaire de son entreprise Celtel en 2005, Ibrahim a transformé une partie de sa fortune en un levier pour promouvoir la bonne gouvernance en Afrique. Aujourd’hui, avec une fortune estimée à environ 1,3 milliard de dollars, il incarne le rêve africain : passer du succès entrepreneurial à un impact sociétal durable. Cette trajectoire, marquée par l’innovation et l’altruisme, fait de lui une figure emblématique du continent.
Jeunesse et formation
Mo Ibrahim est le deuxième de cinq enfants dans une famille soudanaise où l’éducation était une priorité absolue. Son père, Fathi, travaillait pour une compagnie de coton, tandis que sa mère, Aida, insistait sur l’importance des études pour s’élever socialement. La famille s’installe à Alexandrie, en Égypte, pendant son enfance, ce qui lui offre un environnement multiculturel propice à l’apprentissage.
Après un baccalauréat en ingénierie électrique obtenu à l’Université d’Alexandrie, Ibrahim émigre au Royaume-Uni pour poursuivre ses études. Il décroche un master en électronique et ingénierie électrique à l’Université de Bradford, suivi d’un doctorat en communications mobiles à l’Université de Birmingham. Ces formations solides en ingénierie des télécommunications posent les bases de sa carrière fulgurante. Dès ses débuts, il se distingue par une passion pour les technologies émergentes, qu’il appliquera plus tard pour révolutionner les connexions en Afrique.
Carrière professionnelle : L’ascension dans les télécoms
La carrière de Mo Ibrahim débute en 1974 au Soudan, où il intègre Sudan Telecom. Mais c’est au Royaume-Uni qu’il forge son expertise. En 1983, il rejoint British Telecom en tant que directeur technique de Cellnet (aujourd’hui O2), une filiale qui opère le premier réseau cellulaire britannique. Sous sa direction, le lancement de ce réseau marque un tournant dans les communications mobiles en Europe.
En 1989, Ibrahim quitte le salariat pour fonder Mobile Systems International (MSI), une société de conseil et de logiciels spécialisée dans les réseaux mobiles. MSI connaît un succès rapide et devient un leader mondial dans le domaine. En 2000, elle est rachetée par la Marconi Company, renforçant la réputation d’Ibrahim comme innovateur. Mais son ambition va plus loin : en 1998, il crée une filiale, MSI-Cellular Investments, rebaptisée Celtel International, avec l’objectif audacieux de déployer des services mobiles à travers l’Afrique et le Moyen-Orient.
À l’époque, le continent africain souffre d’un déficit criant en infrastructures télécoms. Les banques internationales hésitent à investir en raison des risques perçus. Ibrahim finance Celtel majoritairement par des capitaux propres, adoptant une éthique stricte : zéro corruption, contrairement aux pratiques courantes dans certains marchés africains. Cette approche éthique, combinée à une vision panafricaine, permet à Celtel de s’étendre rapidement. En 2005, l’entreprise dessert plus de 24 millions d’abonnés dans 14 pays africains, emploie 4 000 personnes (dont 98 % d’Africains) et couvre des centaines de millions de personnes. Celtel ne se contente pas de connecter ; elle transforme l’économie et la société africaine, en facilitant l’accès à l’information, au commerce et aux services essentiels.
La vente de Celtel : Un choix stratégique et historique
En 2004, Ibrahim envisage d’introduire Celtel en bourse sur le London Stock Exchange pour accélérer sa croissance. Cependant, face à des offres alléchantes, il opte pour une vente. En 2005, Celtel est cédée à la Mobile Telecommunications Company (MTC) du Koweït, rebaptisée Zain, pour la somme record de 3,4 milliards de dollars. Ibrahim empoche personnellement 1,4 milliard de dollars, faisant de cette transaction l’une des plus importantes dans l’histoire des télécoms africains.
Ce deal n’est pas seulement financier ; il symbolise la maturité du secteur privé africain. Ibrahim, qui reste chairman jusqu’en 2007, regrette parfois d’avoir vendu “un peu trop tôt”, mais il souligne l’impact durable de Celtel : “Nous avons transformé un continent”. La vente libère des ressources pour ses prochains projets, tout en validant son modèle d’affaires éthique et innovant.
Parallèlement, Ibrahim fonde Satya Capital Limited, une société d’investissement privée axée sur l’Afrique, et rejoint la Commission du Broadband de l’ONU en 2010 pour promouvoir le développement numérique.
La création de la Fondation Mo Ibrahim : Un engagement pour l’Afrique
La vente de Celtel marque un pivot décisif. En 2006, Ibrahim utilise une partie de ses gains pour établir la Fondation Mo Ibrahim, une organisation non gouvernementale basée à Londres et Dakar. Son objectif ? Renforcer la gouvernance et le leadership en Afrique pour que le continent “parle d’une seule voix” sur les défis globaux.
La Fondation lance plusieurs initiatives phares :
- Le Prix Ibrahim pour la Leadership en Afrique : Doté de 5 millions de dollars (plus 200 000 dollars annuels à vie), il récompense les chefs d’État africains qui gouvernent avec intégrité, assurent la sécurité, la santé, l’éducation et le développement économique, et transfèrent démocratiquement le pouvoir. Le premier lauréat est Joaquim Chissano (Mozambique) en 2007 ; Nelson Mandela est honoré à titre posthume. Le dernier prix, en 2021, va à Mahamadou Issoufou (Niger). Depuis, peu de prix ont été décernés, soulignant les critères stricts.
- L’Indice Ibrahim de la Gouvernance Africaine (IIAG) : Publié annuellement, cet indice évalue les performances des 54 pays africains sur plus de 300 indicateurs (sécurité, droits, croissance économique). Il sert d’outil pour les décideurs et les citoyens.
- Le Week-end de la Gouvernance Ibrahim (IGW) : Un forum annuel réunissant leaders, jeunes et experts. L’édition 2025, tenue du 1er au 3 juin à Marrakech (Maroc), portait sur “Financer l’Afrique que nous voulons”.
- Bourses et programmes pour la jeunesse : Via le Now Generation Network (NGN), la Fondation soutient les jeunes Africains avec des bourses à des universités comme Birmingham, SOAS et la London Business School, axées sur le développement et la gouvernance.
Dirigée par sa fille Hadeel, la Fondation met l’accent sur les données et l’analyse pour informer les débats. Ibrahim, qui a signé The Giving Pledge (promettant de donner au moins 50 % de sa fortune), y consacre une grande partie de ses ressources.
Vie personnelle et héritage familial
Mo Ibrahim s’est marié en 1973 avec Hania Morsi Fadl, une radiologue soudano-britannique qu’il connaissait depuis l’enfance. Ils ont deux enfants, Hosh et Hadeel, tous deux impliqués dans la Fondation (Hadeel en est la directrice). Le couple divorce plus tard ; Ibrahim se remarie avec Jane Ibrahim, avec qui il a un fils, Sami. La famille vit entre Londres et Monaco.
Ses enfants perpétuent son legs : Hadeel gère la Fondation, tandis que Hosh contribue à ses initiatives. Ibrahim, qui parle souvent de ne pas “prendre l’Afrique pour acquis”, reste actif dans les débats mondiaux.
Récompenses et reconnaissance
Le parcours d’Ibrahim est jalonné de distinctions. Il reçoit le GSM Association Chairman’s Award (2007), le Clinton Global Citizen Award (2010), et est anobli Knight Commander of the Order of St Michael and St George (KCMG) en 2023 pour ses services à la philanthropie. Il figure dans le Time 100 (2008), les 50 Most Influential de Bloomberg (2015), et reçoit des doctorats honoris causa d’Oxford et Imperial College. Ces honneurs soulignent son rôle de pont entre affaires, politique et société.
Un milliardaire engagé
De l’étudiant soudanais à Alexandrie au milliardaire philanthropique, Mo Ibrahim incarne la résilience africaine. La vente de Celtel n’était pas une fin, mais un moyen pour créer la Fondation qui, près de 20 ans plus tard, continue d’inspirer une génération. À 79 ans, en 2025, il reste une voix puissante pour une Afrique gouvernée avec intégrité. Comme il le dit : “Ne prenez pas l’Afrique pour acquis.” Son histoire prouve que l’innovation et l’éthique peuvent changer un continent – et au-delà.