Figure singulière du militantisme panafricain contemporain, Kemi Seba s’est imposé comme l’une des voix les plus audibles de la contestation du néocolonialisme en Afrique francophone. Dérangeant pour certains, inspirant pour d’autres. Une voix puissante qui traverse les frontières et secoue les certitudes. Il est aimé, critiqué, suivi, redouté mais il ne laisse jamais indifférent. Son combat, l’émancipation de l’Afrique. Sa méthode, la confrontation idéologique. Son arme, la parole. Du Sénégal au Bénin, en passant par la France, le Burkina ou la RDC, il a tracé une route faite des discours enflammés, d’exil, d’introduction mais aussi des mobilisations populaires.
Né sous le nom de Stellio Gilles Robert Capo Chichi en 1981 à Strasbourg, Kémi Seba est un militant panafricaniste et anticolonialiste qui incarne la quête d’émancipation des peuples africains et de leur diaspora. Détenteur de la double nationalité béninoise et française, il a choisi de quitter la France pour s’installer au Sénégal puis au Bénin, affirmant ainsi son ancrage africain et son engagement pour la souveraineté du continent.
Son parcours est marqué par une confrontation aux discriminations raciales et au racisme institutionnel, expériences qui ont renforcé sa détermination à défendre la dignité noire. En 2024, il est déchu de sa nationalité française, un acte perçu par les panafricains comme une tentative de répression politique face à son combat anticolonial.
Engagements politiques et idéologiques de Kémi Seba
Kémi Seba est une voix majeure du panafricanisme contemporain, dont la pensée s’appuie sur un retour aux racines ancestrales africaines et une réaffirmation forte de l’identité noire. Son cheminement intellectuel et militant le conduit d’abord vers des mouvements afrocentristes.
S’inspirant des enseignements de Cheikh Anta Diop et d’autres penseurs africains, Kémi Seba met en avant la grandeur des civilisations noires, en particulier celle de l’Égypte ancienne, qu’il considère comme un modèle de civilisation noire puissante et spirituelle. Il rejette l’Occident capitaliste qu’il perçoit comme un système d’exploitation et de décadence morale.
Au cœur de son combat se trouve la dénonciation du franc CFA, symbole d’une domination économique continue de la France sur les pays africains francophones. Il milite pour la souveraineté monétaire et politique des États africains.
L’indépendance n’est pas un cadeau que l’on nous offre sur un plateau d’argent, c’est un combat permanent que nous devons mener chaque jour. — Kemi Seba
Fondateur de l’ONG Urgences Panafricanistes
C’est en 2015 que Kemi Seba fonde l’ONG Urgences Panafricanistes, organisation désormais présente dans plusieurs pays africains, dont le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Mali et la République Démocratique du Congo. Si la dimension humanitaire est mise en avant, notamment lors de la pandémie de COVID-19 avec la distribution de kits sanitaires et alimentaires, l’action de l’ONG s’inscrit dans une vision politique claire : la promotion de la souveraineté africaine face aux influences occidentales.
Parmi ses initiatives phares figure le programme « Alodo », lancé en 2018 à Cotonou, au Bénin. Ce programme vise à autonomiser les femmes vulnérables en leur offrant des microcrédits et des formations pour développer des activités génératrices de revenus, favorisant ainsi l’émancipation économique et sociale. Cette démarche illustre la volonté d’Urgences Panafricanistes de conjuguer justice sociale et lutte politique.
Sur le terrain, l’ONG mène également des actions humanitaires concrètes, telles que la distribution de produits médicaux dans des centres de santé au Mali, lors de tournées anticolonialistes menées par Kémi Seba. En parallèle, elle organise des campagnes de sensibilisation et des manifestations contre le franc CFA, monnaie qu’elle considère comme un instrument de domination économique néocoloniale, notamment en Afrique francophone et en Europe.
Urgences Panafricanistes bénéficie du soutien de personnalités africaines et afro-descendantes, notamment dans le sport et la musique, renforçant ainsi sa visibilité et son impact dans la lutte pour la souveraineté africaine. L’ONG se positionne comme une force de la société civile panafricaine, refusant de devenir un parti politique, mais cherchant à redonner à la jeunesse africaine la volonté de servir son continent.
Un parcours semé d’obstacles
Son parcours militant débute véritablement en 2004 avec la fondation de la Tribu Ka, groupuscule dissous deux ans plus tard par les autorités françaises pour incitation à la haine raciale. Il s’engage ensuite au sein du Mouvement des Damnés de l’Impérialisme (MDI) et du New Black Panther Party, avant d’opérer un tournant décisif en s’installant au Sénégal en 2011, réorientant son action vers un panafricanisme plus structuré.
Nous ne sommes pas anti-occidentaux, nous sommes pro-africains. Nuance fondamentale que nos détracteurs ne veulent pas comprendre. — Kemi Seba
La lutte contre le franc CFA devient rapidement son cheval de bataille emblématique. En 2017, son geste symbolique de brûler un billet de 5 000 francs CFA à Dakar lui vaut une arrestation suivie d’une expulsion du Sénégal. Cette action, largement médiatisée, contribue à faire de lui une figure de proue de la contestation de ce qu’il qualifie de “monnaie coloniale”.
Le franc CFA n’est pas une monnaie, c’est une laisse. Et nous ne sommes pas des chiens pour être tenus en laisse. — Kemi Seba
Le militantisme de Kemi Seba est ponctué de démêlés avec les autorités de différents pays. Après son expulsion du Sénégal en 2017, il connaît d’autres mesures similaires dans plusieurs États africains, dont récemment au Congo-Brazzaville. Sa confrontation avec l’État français atteint son paroxysme en juillet 2024, lorsqu’il est déchu de sa nationalité française par décret, sur la base de l’article 23-7 du code civil, pour des agissements jugés contraires aux intérêts de la France.
En octobre 2024, il est interpellé à Paris pour “intelligence avec une puissance étrangère”, les autorités françaises l’accusant de recevoir des financements du groupe russe Wagner pour organiser des manifestations anti-occidentales en Afrique. Ces accusations s’inscrivent dans un contexte de recomposition des influences sur le continent africain, marqué par une présence croissante de la Russie et de la Chine.
Quand on dérange le système, le système vous attaque. Chaque arrestation, chaque expulsion est une médaille à mon tableau de panafricaniste. — Kemi Seba
Malgré ces critiques, Kémi Seba conserve une influence importante, notamment auprès des jeunes Africains et afro-descendants qui voient en lui un porte-voix authentique contre le néocolonialisme et un symbole de résistance.
Une voix majeure du panafricanisme contemporain
En Afrique francophone, particulièrement parmi la jeunesse urbaine, son discours anti-impérialiste trouve un écho favorable. Ses interventions sur les réseaux sociaux et lors de conférences attirent un public nombreux, séduit par sa rhétorique incisive et son appel à une “seconde indépendance” du continent.
Son discours, profondément ancré dans une critique du néocolonialisme, résonne avec force dans un contexte où la jeunesse africaine cherche à s’émanciper des héritages coloniaux et des inégalités persistantes.
Sa capacité à mobiliser s’appuie sur une utilisation habile des réseaux sociaux et des médias alternatifs, où ses interventions touchent un large public. Son opposition au franc CFA et à la Françafrique lui confère une audience importante dans les pays francophones d’Afrique et dans la diaspora.
Sur le plan géopolitique, son activisme soulève des enjeux importants dans le contexte des relations entre la France et l’Afrique francophone. Il est perçu comme une figure de l’opposition à la Françafrique, ce qui explique en partie les tensions qu’il suscite avec les autorités françaises.
L’activisme de Kemi Seba prend une dimension nouvelle avec sa nomination comme conseiller spécial du général Abdourahamane Tiani, Président du Niger, en août 2024. Peu après sa déchéance de nationalité française, il reçoit un passeport diplomatique nigérien, illustrant son rapprochement avec les régimes militaires qui ont récemment pris le pouvoir dans plusieurs pays du Sahel.
Ces alliances lui valent d’être accusé d’opportunisme par ses détracteurs, qui voient en lui un instrument des stratégies d’influence russes en Afrique. Ses partisans, en revanche, saluent son engagement pour l’émancipation du continent face aux anciennes puissances coloniales.
L’Afrique n’a pas besoin de tuteurs mais de partenaires. Nous choisirons nos alliés selon nos intérêts, pas selon les désirs de l’Occident. — Kemi Seba
Sa stature intellectuelle est par ailleurs reconnue en avril 2025, lorsqu’une université congolaise lui décerne le titre de docteur honoris causa en sciences politiques, saluant son engagement pour la souveraineté africaine.
Je ne suis pas un politicien, je suis un révolutionnaire. La politique n’est qu’un moyen parmi d’autres pour réaliser notre révolution panafricaine. — Kemi Seba
Perspectives et projets futurs
En janvier 2025, Kemi Seba franchit un nouveau cap en annonçant sa candidature à l’élection présidentielle de 2026 au Bénin, son pays d’origine. Se présentant comme le porte-étendard d’une alternative souverainiste, il entend défier le président Patrice Talon, qu’il accuse de complaisance envers les intérêts occidentaux.
Au-delà de la présidentielle, son projet s’inscrit dans une vision plus large de construction d’un panafricanisme fédéral, fondé sur l’unité des peuples noirs. Il mise sur la jeunesse et les forces populaires pour bâtir une Afrique unie, souveraine et fière de son identité.
Ses ouvrages majeurs
Titre | Année | Description succincte |
---|---|---|
Philosophie de la panafricanité fondamentale | 2023 | Analyse profonde du panafricanisme, appel à la renaissance culturelle, politique et spirituelle de l’Afrique. |
L’Afrique libre ou la mort | 2018 | Ouvrage militant dénonçant le néocolonialisme, avec des préfaces de personnalités panafricaines. |
Black Nihilism | 2014 | Réflexion sur la condition noire dans le monde contemporain, critique des systèmes oppressifs. |
Supra-négritude | 2013 | Exploration du concept de négritude radicale et affirmation identitaire noire. |
Obscure époque | 2016 | Roman inspiré de faits réels, mêlant géopolitique et dénonciation de conspirations liées à l’Afrique. |
Ma’at Ikh-s Philosophie | 2010 | Premiers travaux sur la philosophie panafricaine et la spiritualité africaine ancestrale. |