Le colonialisme est une forme de contrôle direct sur un territoire et ses habitants par une puissance extérieure. Elle s’accompagne souvent de l’établissement de colonies de colons dans le territoire contrôlé. Il est largement admis que le colonialisme a officiellement pris fin au milieu du XXe siècle.
C’est quoi le néocolonialisme ?
Le néocolonialisme est une forme de contrôle indirect dans laquelle une puissance dominante utilise des modes de domination plus subtils. Ces modes subtils incluent l’aide financière, les sociétés commerciales multinationales et le soft power pour contrôler un autre territoire, son peuple, son régime et sa politique.
Le néocolonialisme fait alors référence à de nouveaux modes d’oppression et d’exploitation par les pays riches et développés, sur les pays pauvres, même après la fin officielle du colonialisme au milieu du XXe siècle.
Le néocolonialisme entraîne le même type de dépendance de la colonie envers les anciens colonisateurs, comme c’était le cas durant la période coloniale, à la différence que le néocolonialisme n’utilise pas la force militaire directe, mais plutôt des outils de soft power tels que l’aide financière, l’impérialisme culturel et les alliances militaires stratégiques pour exercer un contrôle.
Les mécanismes du néocolonialisme
Parmi les obstacles du néocolonialisme, Nkrumah mentionne la dépendance économique vis-à-vis des anciennes puissances coloniales et des entreprises étrangères, l’exploitation des ressources africaines sans bénéfices équitables pour les populations locales, les inégalités économiques, les politiques monétaires et bancaires imposées par les puissances étrangères, ainsi que la corruption et la collusion avec les intérêts étrangers.
Le terme néocolonialisme a été inventé par le philosophe français Jean Paul Sartre en 1956 et introduit dans le discours public populaire par le leader ghanéen Kwame Nkrumah.
Selon Nkrumah, l’Afrique dérivait vers une phase plus dangereuse qui voit le continent dirigé par des chefs fantoches qui obéissent aux ordres des maîtres coloniaux, Comprador Bourgeoisies qui servent de régent aux marchands d’esclaves et aident à exécuter leurs ordres.
L’essence du néocolonialisme est que l’État qui y est soumis est, en théorie, indépendant et possède tous les attributs extérieurs de la souveraineté internationale. En réalité, son système économique et donc sa politique politique sont dirigés de l’extérieur.
Les modalités et la forme de cette direction peuvent prendre diverses formes. Par exemple, dans un cas extrême, les troupes de la puissance impériale peuvent mettre en garnison le territoire de l’État néocolonial et en contrôler le gouvernement. Le plus souvent, cependant, le contrôle néocolonialiste est exercé par des moyens économiques ou monétaires. L’Etat néocolonial peut être obligé de prendre les produits manufacturés de la puissance impérialiste à l’exclusion des produits concurrents venus d’ailleurs. Le contrôle de la politique gouvernementale dans l’État néocolonial peut être assuré par des paiements pour couvrir les frais de fonctionnement de l’État, par la mise à disposition de fonctionnaires à des postes où ils peuvent dicter la politique, et par le contrôle monétaire des changes par l’imposition d’un système bancaire contrôlé par le pouvoir impérial.
Là où le néocolonialisme existe, la puissance qui exerce le contrôle est souvent l’État qui gouvernait autrefois le territoire en question, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Il est possible que le contrôle néocolonial soit exercé par un consortium d’intérêts financiers qui ne sont pas spécifiquement identifiables à un État en particulier. Le contrôle du Congo par les grands groupes financiers internationaux en est un exemple.
Le résultat du néocolonialisme est que le capital étranger est utilisé pour l’exploitation plutôt que pour le développement des régions les moins développées du monde. L’investissement sous le néocolonialisme augmente plutôt qu’il ne diminue l’écart entre les pays riches et les pays pauvres du monde.
La lutte contre le néocolonialisme ne vise pas à empêcher le capital du monde développé d’opérer dans les pays moins développés. Il vise à empêcher que la puissance financière des pays développés ne soit utilisée de manière à appauvrir les moins développés.
Nkrumah soutient que le capitalisme monopolistique, caractérisé par la domination des grandes entreprises multinationales, a remplacé le colonialisme traditionnel comme forme de domination économique. Ces entreprises monopolistiques, principalement basées dans les pays occidentaux, exploitent les ressources et les marchés des pays africains, sapant ainsi leur développement économique indépendant.
Il souligne également le rôle prépondérant du dollar américain dans le système économique mondial. Il affirme que la suprématie du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale confère un pouvoir économique considérable aux États-Unis, leur permettant d’imposer leur volonté aux pays africains et d’autres pays du Sud global. Nkrumah critique également les politiques monétaires et financières internationales qui favorisent le dollar, notamment le système de Bretton Woods qui a été mis en place après la Seconde Guerre mondiale.
Nkrumah met en évidence comment les médias sont utilisés pour propager la désinformation et manipuler l’opinion publique afin de perpétuer le néocolonialisme en Afrique. Nkrumah critique les reportages biaisés, les stéréotypes racistes et les discours hypocrites des pays coloniaux et de leurs alliés, qui utilisent des termes tels que “développement”, “aide” et “coopération” pour masquer leurs véritables intentions néocoloniales. Il met en garde contre la naïveté et la duplicité de ces discours, soulignant que les pays africains doivent être vigilants et reconnaître les véritables motivations qui se cachent derrière les manchettes trompeuses.
Nkrumah aborde la question des zones monétaires et des banques étrangères en tant que facteurs contribuant à la perpétuation du néocolonialisme en Afrique. Il souligne comment ces mécanismes financiers sont utilisés pour maintenir la dépendance économique des pays africains envers les puissances coloniales passées et présentes. Nkrumah met en garde contre les conséquences néfastes de ces zones monétaires et de la présence de banques étrangères en Afrique, notamment la fuite des capitaux, la dévaluation des monnaies locales et le transfert de profits hors du continent. Ici, il fait probablement référence à la zone CFA.
Pour Nkrumah, Un État en proie au néocolonialisme n’est pas maître de son destin. C’est ce facteur qui fait du néocolonialisme une menace aussi sérieuse pour la paix mondiale.
Le développement des armes nucléaires a rendu obsolète l’ancien rapport de force qui reposait sur la sanction ultime d’une guerre majeure. La certitude d’une destruction massive mutuelle empêche effectivement l’un ou l’autre des blocs de grandes puissances de menacer l’autre de la possibilité d’une guerre mondiale, et le conflit militaire est ainsi devenu confiné à des « guerres limitées ». Pour ces derniers, le néocolonialisme est le vivier.
En effet, leur objet peut être d’établir dans un petit pays indépendant un régime néocolonialiste. Le mal du néocolonialisme est qu’il empêche la formation de ces grandes unités qui rendraient impossible la « guerre limitée ». Pour donner un exemple : si l’Afrique était unie, aucun bloc majeur ne tenterait de la soumettre par une guerre limitée parce que, de par la nature même de la guerre limitée, ce qui peut être réalisé par elle est lui-même limité. C’est seulement là où existent de petits États qu’il est possible, en débarquant quelques milliers de marines ou en finançant une force mercenaire, d’obtenir un résultat décisif.
Le néocolonialisme est aussi la pire forme d’impérialisme. Pour ceux qui la pratiquent, c’est un pouvoir sans responsabilité et pour ceux qui en souffrent, c’est une exploitation sans recours.
Pour Nkrumah, le néocolonialisme est un instrument de l’impérialisme qui, comme le colonialisme, est une tentative d’exporter les conflits sociaux des pays capitalistes. Comment mettre fin au néocolonialisme est un problème qui devrait être étudié avant tout par les nations développées du monde, car ce sont elles qui ressentiront pleinement l’impact de l’échec final. Plus elle durera, plus il est certain que son effondrement inévitable détruira le système social dont ils en ont fait le fondement.
Le néocolonialisme est basé sur le principe du morcellement d’anciens grands territoires coloniaux unis en un certain nombre de petits États non viables, incapables de développement indépendant et qui doivent s’appuyer sur l’ancienne puissance impériale pour leur défense et même leur sécurité intérieure. Leurs systèmes économiques et financiers sont liés, comme à l’époque coloniale, à ceux de l’ancien dirigeant colonial.
Le néocolonialisme maintient le continent africain artificiellement pauvre
En premier lieu, les gouvernants des États néocoloniaux tirent leur pouvoir de gouverner, non de la volonté du peuple, mais du soutien qu’ils obtiennent de leurs maîtres néocolonialistes. Ils ont donc peu d’intérêt à développer l’éducation, à renforcer le pouvoir de négociation de leurs travailleurs employés par des entreprises expatriées, ou même à prendre une quelconque mesure qui remettrait en cause le modèle colonial du commerce et de l’industrie, que le néocolonialisme a pour objet de préserver.
L’« aide » à un État néocolonial n’est donc qu’un crédit renouvelable, payé par le maître néocolonial, passant par l’État néocolonial et revenant au maître néocolonial sous forme de profits accrus. C’est dans le domaine de « l’aide » que la rivalité des différents États développés se manifeste d’abord. Tant que persistera le néocolonialisme, des sphères d’intérêt persisteront, ce qui rend impossible l’aide multilatérale, qui est en fait la seule forme d’aide efficace.
Une fois l’aide multilatérale commencée, les maîtres néocolonialistes sont confrontés à l’hostilité des intérêts acquis dans leur propre pays. Leurs fabricants s’opposent naturellement à toute tentative d’augmenter le prix des matières premières qu’ils obtiennent du territoire néocolonialiste en question, ou à l’implantation d’industries manufacturières qui pourraient concurrencer directement ou indirectement leurs propres exportations vers le territoire. Même l’éducation est soupçonnée d’être susceptible de produire un mouvement étudiant et il est bien sûr vrai que dans de nombreux pays moins développés, les étudiants ont été à l’avant-garde de la lutte contre le néocolonialisme.
L’aide militaire marque en effet la dernière étape du néocolonialisme et son effet est autodestructeur. Tôt ou tard, les armes fournies passent entre les mains des opposants au régime néocolonialiste et la guerre elle-même accroît la misère sociale qui l’a initialement provoquée.
Le néocolonialisme n’est en aucun cas une question exclusivement africaine. Bien avant qu’il ne soit pratiqué à grande échelle en Afrique, c’était un système établi dans d’autres parties du monde. Nulle part elle n’a réussi, que ce soit à élever le niveau de vie ou à bénéficier en fin de compte aux pays qui s’y sont adonnés.
Le monde sous-développé ne deviendra pas développé grâce à la bonne volonté ou à la générosité des puissances développées. Elle ne peut se développer qu’en luttant contre les forces extérieures qui ont tout intérêt à la maintenir sous-développée.
Pour Nkrumah, le néocolonialisme maintient le continent africain artificiellement pauvre. Et l’unité africaine ne peut être établie que par la défaite du néocolonialisme.
Référence :
Le livre Neo-Colonialism: The Last Stage of Imperialism de Kwame Nkrumah