Les flux financiers illicites (FFI) sont des mouvements d’argent et d’actifs transfrontaliers dont la source, le transfert ou l’utilisation sont illégaux, selon le nouveau rapport intitulé « Lutte contre les flux financiers illicites pour un développement durable en Afrique ».
Il montre que ces sorties sont presque aussi importantes que les entrées annuelles totales combinées d’aide publique au développement, évaluées à 48 milliards de dollars, et d’investissements directs étrangers annuels, estimés à 54 milliards de dollars, reçus par les pays africains – ce qui représente l’investissement moyen entre 2013 et 2015.
« Les flux financiers illicites privent l’Afrique et ses populations de leurs perspectives, compromettant la transparence et la responsabilité et érodant la confiance dans les institutions africaines », a déclaré le Secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi.
Ces sorties comprennent la fuite illicite de capitaux, les pratiques fiscales et commerciales telles que la fausse facturation des expéditions commerciales et les activités criminelles telles que les marchés illégaux, la corruption ou le vol, indique la CNUCED.
Entre 2000 et 2015, les fuites de capitaux illicites en provenance d’Afrique se sont élevées à 836 milliards de dollars. Comparé à l’encours total de la dette extérieure de l’Afrique, qui s’élevait à 770 milliards de dollars en 2018, cela fait de l’Afrique un « créancier net du monde », indique le rapport.
Les FFI liés à l’exportation de matières premières extractives (40 milliards de dollars en 2015) constituent la principale composante de la fuite illicite de capitaux en provenance d’Afrique.
Les progrès des ODD menacés
Les FFI représentent une ponction majeure sur les capitaux et les revenus en Afrique, compromettant la capacité de production et les perspectives de l’Afrique à atteindre les Objectifs de développement durable (ODD).
Le rapport révèle par exemple que dans les pays africains où les flux financiers illicites sont élevés, les gouvernements dépensent 25 % de moins pour la santé et 58 % de moins pour l’éducation que dans les pays où les flux financiers illicites sont faibles. Étant donné que les femmes et les filles ont souvent moins accès à la santé et à l’éducation, elles sont celles qui souffrent le plus des effets négatifs des flux financiers illicites.
L’Afrique ne sera pas en mesure de combler le déficit de financement important nécessaire à la réalisation des ODD, estimé à 200 milliards de dollars par an, avec les recettes publiques existantes et l’aide au développement.
Infrastructures et services en souffrance
Le rapport révèle que la lutte contre la fuite des capitaux et les flux financiers illicites représente une source potentielle importante de capitaux pour financer des investissements indispensables, par exemple dans les infrastructures, l’éducation, la santé et les capacités de production.
En Sierra Leone, par exemple, qui a l’un des taux de mortalité des moins de cinq ans les plus élevés du continent, la lutte contre la fuite des capitaux et l’investissement d’une part constante des revenus dans la santé publique pourraient sauver 2 322 enfants supplémentaires sur les 258 000 qui naissent chaque année dans le pays.
En Afrique, les FFI proviennent principalement des industries extractives et sont donc associés à de mauvais résultats environnementaux.
Le rapport montre que la lutte contre la fuite illicite de capitaux pourrait générer suffisamment de capitaux d’ici 2030 pour financer près de 50 % des 2 400 milliards de dollars nécessaires aux pays d’Afrique subsaharienne pour s’adapter au changement climatique et l’atténuer.
Tout ce qui brille
L’analyse du rapport démontre également que les flux financiers illicites en Afrique ne sont pas endémiques à des pays spécifiques, mais plutôt à certains produits de grande valeur et de faible poids.
Sur les 40 milliards de dollars estimés de flux financiers illicites dérivés des matières premières extractives en 2015, 77 % étaient concentrés dans la chaîne d’approvisionnement en or, suivi par les diamants (12 %) et le platine (6 %).
Le rapport vise à fournir aux gouvernements africains des connaissances sur la manière d’identifier et d’évaluer les risques associés aux FFI, ainsi que des solutions pour freiner les FFI et réorienter les produits vers la réalisation des priorités nationales et des ODD.
Elle appelle à des efforts mondiaux pour promouvoir la coopération internationale dans la lutte contre les FFI. Elle préconise également le renforcement des bonnes pratiques en matière de restitution des avoirs afin de favoriser le développement durable et la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement.Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Les recettes fiscales détournées
Les pertes de recettes fiscales dues aux FFI sont particulièrement coûteuses pour l’Afrique, où les investissements publics et les dépenses consacrées aux ODD sont les plus faibles. En 2014, l’Afrique a perdu environ 9,6 milliards de dollars au profit des paradis fiscaux, soit l’équivalent de 2,5 % des recettes fiscales totales.
Selon la CNUCED, l’évasion fiscale est au cœur du système financier parallèle mondial. Les FFI commerciaux sont souvent liés à des stratégies d’évasion ou de fraude fiscales, conçues pour transférer les bénéfices vers des juridictions à faible fiscalité.
En raison de l’absence de règles nationales en matière de prix de transfert dans la plupart des pays africains, les autorités judiciaires locales ne disposent pas des outils nécessaires pour lutter contre l’évasion fiscale des multinationales.
Mais les flux financiers illicites ne sont pas seulement une préoccupation nationale en Afrique, a déclaré le président nigérian Muhammadu Buhari : « Les flux financiers illicites sont multidimensionnels et transnationaux par nature. Comme le concept de migration, ils ont des pays d’origine et de destination, et il existe plusieurs lieux de transit. L’ensemble du processus de réduction des flux financiers illicites concerne donc plusieurs juridictions. »
Des solutions à la vue de tous
Les solutions au problème doivent passer par une coopération fiscale internationale et des mesures de lutte contre la corruption. La communauté internationale doit consacrer davantage de ressources à la lutte contre les flux financiers illicites, notamment en renforçant les capacités des autorités fiscales et douanières des pays en développement.
Les pays africains doivent renforcer leur engagement dans la réforme de la fiscalité internationale, rendre la concurrence fiscale conforme aux protocoles de la ZLECA et viser davantage de droits fiscaux, a déclaré l’agence commerciale des Nations Unies.