Le gisement de Simandou en Guinée : enfin sur les rails ?

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Après des décennies d’attente et de rebondissements, le projet d’exploitation du gisement de fer de Simandou semble enfin sur les rails. Mais cette richesse minérale exceptionnelle pourra-t-elle vraiment transformer l’économie guinéenne ?

Simandou doit être pour nous ce que le petrol a été pour les pays du Golf – Djiba Diakité

Il s’agit d’une immense mine de fer à ciel ouvert située dans le sud-est de la Guinée (fer de haute qualité : 65% de teneur), combiné à des infrastructures majeures (chemins de fer de plus de 650 km, ports, routes, villes et zones économiques).

Ce projet vise à transformer la Guinée en un hub logistique mondial, reposant sur cinq piliers : agriculture, industrie alimentaire, commerce, éducation & culture, infrastructures & technologies, et santé & finance.

Simandou, avec ses 8 milliards de tonnes de minerai de fer d’excellente qualité, ambitionne de créer au moins 50 000 emplois directs et indirects ainsi que des milliers de contrats. Le modèle s’inspire du développement des pays du Golfe grâce au pétrole : Simandou doit permettre à la Guinée de rayonner économiquement en impliquant fortement les acteurs locaux, à travers un contenu local prioritaire et des contrats sur 30 ans.

Le projet veut notamment garantir le transfert de compétences et de technologies aux Guinéens, générer richesses et emplois, et positionner la Guinée comme un acteur industriel majeur sur le plan international, en valorisant ses ressources minières exceptionnelles pour le bien-être de la population et le développement national. La mise en œuvre de Simandou va créer des dizaines de milliers d’emplois, diversifier l’économie guinéenne, générer des revenus pour financer bourses d’études et systèmes éducatifs, et renforcer les infrastructures locales.

Un feuilleton industriel aux multiples rebondissements

L’histoire de Simandou s’apparente à un roman économico-politique aux multiples rebondissements. Découvert dans les années 1990, le gisement a vu défiler les plus grands acteurs du secteur minier mondial : Rio Tinto, Vale, BSG Resources du magnat israélien Beny Steinmetz, et plus récemment, le géant chinois de l’aluminium Chinalco et le consortium sino-singapourien SMB-Winning.

Le projet a été enlisé pendant des années dans un imbroglio juridique et politique complexe”, analyse Pierre Dupont, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (IFRI). Chaque changement de régime en Guinée a remis en question les attributions précédentes, suscitant inquiétudes et procédures judiciaires internationales.

Après des années de stagnation et plusieurs révisions des accords miniers, le projet semble enfin avancer. En 2022, la junte militaire au pouvoir à Conakry a signé un accord-cadre avec les différents investisseurs, ouvrant la voie à une exploitation divisant le gisement en deux blocs principaux.

Une infrastructure titanesque

L’ampleur du projet Simandou dépasse largement l’extraction minière. Pour acheminer le minerai jusqu’aux ports d’exportation, une infrastructure colossale doit être construite : 670 kilomètres de voie ferrée traversant certaines des régions les plus accidentées d’Afrique de l’Ouest, et un terminal portuaire en eau profonde.

C’est l’un des plus grands projets d’infrastructure en cours sur le continent africain, souligne Sophie Martin, analyste chez Global Mining Research.

Le projet représente un investissement d’environ 20 milliards de dollars et comprend quatre éléments majeurs :​

  • Deux gisements de minerai de fer à haute teneur (blocs 1-2 exploités par WCS-Baowu ; blocs 3-4 par Rio Tinto Simfer-Chinalco)

  • Le Transguinéen : un chemin de fer de plus de 650 km à double voie reliant les préfectures minières de Beyla et Kerwané au port de Morebaya

  • Trois quais portuaires à Morebaya (dont un dédié au transport de marchandises et passagers)

  • Une aciérie pour la transformation locale du minerai (études à achever 2 ans après le début de production)

Entre espoirs et réalités

Pour la Guinée, pays de 13 millions d’habitants dont près de 40% vivent sous le seuil de pauvreté malgré d’immenses richesses minérales, Simandou représente un espoir considérable. Les projections officielles évoquent la création de dizaines de milliers d’emplois et une augmentation significative des recettes fiscales de l’État.

Ce méga-projet, évalué à 20 milliards de dollars, prévoit l’exportation annuelle de plus de 120 millions de tonnes de minerai de fer, générant des revenus estimés à 2 milliards d’euros par an.

Les autorités guinéennes détiennent 15% des parts et comptent sur ce projet pour diversifier l’économie, créer des emplois et investir notamment dans l’éducation ciblée d’élites. Un chemin de fer de 675 km a été construit pour relier le sud de la Guinée au port minier de Moribaya, et ces infrastructures profiteront aussi à d’autres secteurs comme l’agriculture.

La Chine, partenaire incontournable

L’avancée récente du projet Simandou s’inscrit dans un contexte géopolitique où la Chine affirme sa présence en Afrique. Principal consommateur mondial de minerai de fer pour son industrie sidérurgique, l’Empire du Milieu a placé Simandou parmi ses priorités stratégiques.

Pour Pékin, Simandou représente une alternative aux fournisseurs traditionnels que sont l’Australie et le Brésil, explique Antoine Durand, analyste en matières premières. C’est aussi un maillon essentiel de sa stratégie d’influence en Afrique, dans le cadre des Nouvelles Routes de la Soie.

Cette présence chinoise suscite des réactions contrastées. Certains y voient une opportunité de développement accéléré grâce à des financements massifs et une expertise technique. D’autres s’inquiètent d’un déséquilibre dans la relation et d’une dépendance excessive envers Pékin.

Un défi pour la Guinée

Si l’extraction du minerai de Simandou devrait débuter dans les prochaines années, la transformation de cette ressource en véritable moteur de développement reste un défi de taille. Entre ambitions nationales, intérêts des investisseurs internationaux et attentes des populations locales, l’équation est complexe.

Le 22 octobre 2025, les partenaires industriels (Rio Tinto Simfer, Winning Consortium Simandou, Baowu) et l’État guinéen ont signé les pactes d’actionnaires relatifs aux sociétés de transport maritime du minerai de fer du projet Simandou. Cette cérémonie s’est tenue au Petit Palais de la Présidence sous la présidence de Djiba Diakité, président du comité stratégique du projet et ministre directeur de cabinet.

Il s’agit de l’une des dernières étapes contractuelles avant le démarrage effectif de la phase d’exploitation, prévu avant fin 2025.​ Ces accords complètent le dernier maillon de la chaîne logistique : le transport maritime du minerai depuis les quais de Morebaya vers les marchés internationaux​. Cela concrétise la vision du président Mamadi Doumbouya de faire de Simandou le moteur de transformation économique de la Guinée.

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