Qui est Nathalie Yamb : La Dame de Sochi, militante panafricaine

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Nathalie Yamb, surnommée « La Dame de Sochi », incarne aujourd’hui une figure majeure du militantisme panafricain. Née en Suisse d’une mère suisse et d’un père camerounais, elle possède la double nationalité suisse et camerounaise. Son enfance se déroule entre l’Europe et l’Afrique, ce qui lui confère une sensibilité particulière aux enjeux du continent africain.

“J’ai grandi avec cette double identité qui m’a permis de voir les contradictions flagrantes entre les discours sur les droits humains en Occident et la réalité des pratiques néocoloniales en Afrique”, confiait-elle lors d’une conférence à Dakar en 2021.

Après des études supérieures en sciences politiques, journalisme et communication, Nathalie Yamb débute sa carrière professionnelle dans le secteur privé, notamment dans les télécommunications, où elle travaille pour des groupes internationaux. Son parcours l’amène à s’installer en Côte d’Ivoire, où elle s’engage pleinement dans la vie politique.

C’est au sein du parti Liberté et Démocratie pour la République (LIDER), fondé par Mamadou Koulibaly, qu’elle trouve un espace d’expression et d’action. Conseillère exécutive du parti, elle devient la voix forte de l’opposition, défendant une vision panafricaine et souverainiste pour la Côte d’Ivoire et, plus largement, pour l’Afrique. Son engagement politique s’inscrit dans la durée et se caractérise par un franc-parler assumé et une volonté de rupture avec les modèles politiques traditionnels.

L’émergence d’une voix dissidente

L’ascension de Nathalie Yamb sur la scène panafricaine ne doit rien au hasard. C’est à travers son engagement sans concession et son style percutant qu’elle s’est imposée comme une dissidente incontournable. Dès ses premières prises de parole publiques, elle se distingue par une éloquence rare et une capacité à aborder de front les sujets qui fâchent : la domination économique, politique et culturelle de l’Afrique par l’Occident, et la complicité de certaines élites africaines dans ce système.

Son style est direct, sans filtre, et souvent frontal. Nathalie Yamb ne pratique ni la langue de bois ni la diplomatie de façade. Elle interpelle, dénonce, nomme les responsables et refuse toute forme d’ambiguïté. Cette posture, qui tranche avec celle de nombreux acteurs politiques africains, séduit une large frange de la jeunesse africaine, lassée des discours convenus et des promesses non tenues.

L’un des atouts majeurs de Nathalie Yamb réside dans sa capacité à capter et mobiliser l’attention sur les réseaux sociaux. Elle utilise ces plateformes comme de véritables tribunes, diffusant ses analyses, ses prises de position et ses appels à l’action. Son audience grandit rapidement, portée par le partage viral de ses vidéos et messages, qui résonnent avec les aspirations d’une génération en quête d’émancipation et de dignité. 

Par sa parole libre et son engagement, Nathalie Yamb est devenue le symbole d’une nouvelle génération de militants panafricains, déterminés à rompre avec le statu quo et à réclamer une Afrique souveraine, fière et unie.

Le discours de Sochi (Russie, 2019)

Le 24 octobre 2019, Nathalie Yamb marque un tournant décisif dans sa trajectoire militante lors du premier sommet Russie-Afrique à Sochi. Son intervention, devenue virale, fait d’elle la « Dame de Sochi » et la propulse sur le devant de la scène panafricaine et internationale. Dans un discours incisif, elle dénonce sans détour le néocolonialisme, le franc CFA, la Françafrique et la soumission des élites africaines à l’Occident. Elle déclare notamment :

Nous ne venons pas en Russie pour chercher de nouveaux maîtres que l’on substituera aux anciens. Nous y venons pour trouver des partenaires pour faire du business gagnant-gagnant, pour la Russie comme pour les pays africains concernés.

Ce discours, salué pour sa clarté et sa fermeté, critique ouvertement les accords de défense jugés « bidons », l’entretien de rébellions, l’exploitation des ressources africaines et la mainmise de la France sur les décisions onusiennes concernant l’Afrique. Nathalie Yamb y oppose la nécessité d’une Afrique souveraine, maîtresse de son destin, capable de nouer des partenariats équilibrés et respectueux de ses intérêts.

La portée de ce discours est immédiate : il suscite l’admiration d’une large partie de la jeunesse africaine et des militants panafricanistes, tout en provoquant l’hostilité des milieux politiques francophones et des partisans du statu quo. L’intervention de Sochi devient un symbole de rupture et de résistance, consolidant la réputation de Nathalie Yamb comme l’une des voix les plus audacieuses du panafricanisme actuel.

Son engagement contre la Françafrique et le néocolonialisme

Depuis le sommet de Sochi en 2019, Nathalie Yamb s’est affirmée comme l’une des voix les plus engagées et constantes contre la Françafrique et le néocolonialisme en Afrique. Elle dénonce avec vigueur le système du franc CFA, qu’elle considère comme un instrument de domination monétaire et politique de la France sur ses anciennes colonies. Pour elle, la souveraineté monétaire est une condition essentielle pour l’émancipation du continent africain, tout comme la souveraineté militaire et politique.

Nathalie Yamb critique frontalement les chefs d’État africains qu’elle juge « inféodés » à l’Occident, les accusant de perpétuer la dépendance et de trahir les aspirations de leurs peuples à la liberté et à la dignité. Elle appelle à une rupture nette avec les accords de défense jugés déséquilibrés, l’exploitation des ressources africaines par des multinationales étrangères, et la mainmise de puissances occidentales sur les décisions stratégiques du continent.

“L’Afrique ne se développera jamais tant qu’elle restera enchaînée aux institutions financières internationales qui l’étranglent et aux puissances étrangères qui pillent ses ressources avec la complicité des élites locales corrompues”, affirme-t-elle régulièrement dans ses interventions.

Sa lutte s’articule autour de la promotion d’une Afrique indépendante, fière, unie et débarrassée de toute influence étrangère. Elle encourage les Africains à s’ouvrir à de nouveaux partenaires, dans une logique de coopération « gagnant-gagnant », sans pour autant substituer une domination à une autre. Son discours, relayé massivement sur les réseaux sociaux et lors de conférences internationales, résonne particulièrement auprès de la jeunesse africaine et des diasporas, qui voient en elle une porte-parole de leurs aspirations à l’autodétermination.

L’expulsion de Côte d’Ivoire

Le 2 décembre 2019, Nathalie Yamb est expulsée de Côte d’Ivoire par les autorités ivoiriennes, quelques semaines seulement après son discours remarqué contre la Françafrique lors du sommet Russie-Afrique à Sochi. Officiellement, le ministère de l’Intérieur lui reproche de « mener des activités incompatibles avec l’intérêt national ». Selon Mamadou Koulibaly, président du parti LIDER, cette décision vise à fragiliser l’opposition à l’approche de l’élection présidentielle de 2020, alors que Nathalie Yamb multipliait les critiques contre le régime d’Alassane Ouattara et la présence française en Afrique.

Le déroulement de l’expulsion est révélateur de la tension politique entourant la militante : convoquée à la préfecture de police d’Abobo dans la matinée, elle y passe de longues heures sans pouvoir communiquer avec l’extérieur, avant d’être transférée sous escorte à l’aéroport dans la soirée. Elle est ensuite embarquée sur un vol à destination de Zurich, via Paris, son expulsion ayant été confirmée par des publications sur ses réseaux sociaux.

Pour les autorités, la justification officielle repose sur son statut d’étrangère engagée dans des activités politiques jugées subversives, ce qui, selon elles, contrevient à la législation ivoirienne. Cependant, ses partisans dénoncent une mesure politique destinée à museler une voix dissidente et à intimider l’opposition, soulignant qu’aucune loi n’interdit à un étranger de militer politiquement, tant qu’il ne dirige pas un parti.

L’expulsion de Nathalie Yamb a immédiatement suscité une vague de réactions sur les réseaux sociaux, renforçant sa popularité auprès des militants panafricanistes et accentuant son engagement. Loin de la réduire au silence, cet épisode a consolidé son statut d’icône de la lutte anti-néocoloniale et de symbole de la résistance face aux régimes autoritaires et à l’influence étrangère en Afrique.

Son utilisation stratégique des réseaux sociaux

Nathalie Yamb a fait des réseaux sociaux son principal levier d’influence et de mobilisation. Privée d’accès aux médias traditionnels en Côte d’Ivoire et ignorée par les grands médias d’État ou internationaux, elle a délibérément choisi de s’adresser directement au public via internet. Dès ses débuts au sein du parti LIDER, elle crée une page Facebook pour contourner le verrouillage médiatique, ce qui lui permet de bâtir une communauté fidèle et engagée autour de ses idées.

Aujourd’hui, Nathalie Yamb compte une audience impressionnante : plus de 1,8 million d’abonnés cumulés sur Facebook, X (ex-Twitter), YouTube et Instagram. Sa page Facebook rassemble à elle seule près de 490 000 abonnés, tandis que ses vidéos sur YouTube atteignent fréquemment des centaines de milliers de vues. Cette puissance de frappe numérique lui offre une tribune sans filtre, où elle diffuse ses analyses, ses appels à l’action et ses critiques acerbes contre la Françafrique, le néocolonialisme et l’influence occidentale sur le continent africain. 

Son style de communication est direct, percutant, souvent provocateur, ce qui lui permet de capter l’attention d’une jeunesse africaine avide de discours alternatifs et de souveraineté. Elle a su transformer les réseaux sociaux en véritables outils de contre-pouvoir, en mobilisant une « armée d’information et de communication » pour contrer les narratifs dominants et imposer ses thématiques dans le débat public africain. Et il n’est pas abusé de dire que la plupart de ses interventions sur les réseaux sociaux sont des MasterClass.

L’audience de Nathalie Yamb est particulièrement forte chez les jeunes, la diaspora africaine et les militants anticolonialistes, qui voient en elle une voix libre et courageuse. Sa capacité à fédérer, à influencer et à déclencher des débats virulents sur les réseaux sociaux fait d’elle l’une des figures les plus suivies et redoutées du panafricanisme contemporain.

La trajectoire militante de Nathalie Yamb est jalonnée de controverses qui alimentent autant sa notoriété que les débats sur la nature et les limites de son engagement. Son positionnement radical, notamment contre la France et l’Occident, lui vaut d’être perçue par ses partisans comme une voix courageuse, mais par ses détracteurs comme une figure polarisante, voire opportuniste.

Depuis 2019, Nathalie Yamb est régulièrement accusée d’alignement avec la Russie. Cette proximité supposée s’est accentuée après le sommet de Sochi, où elle a publiquement soutenu l’idée d’une coopération russo-africaine alternative à l’influence occidentale. L’Union européenne a récemment pris des sanctions à son encontre, l’accusant de soutenir des politiques du gouvernement russe qui « menacent la démocratie et la stabilité » en Europe, notamment par la « manipulation de l’information » et des liens présumés avec des réseaux proches du groupe Wagner. Ces mesures incluent une interdiction d’entrée sur le territoire européen et le gel de ses avoirs dans l’UE.

La France, de son côté, l’a déclarée persona non grata dès 2022, l’accusant d’attiser un dangereux sentiment anti-français et de tenir des propos très virulents à l’égard de l’Hexagone. Nathalie Yamb rejette fermement ces accusations, y voyant des tentatives de censure et de diabolisation de la part d’anciennes puissances coloniales inquiètes de la montée du panafricanisme.

Sur le continent africain, le débat reste vif. Certains intellectuels et militants panafricanistes saluent son franc-parler et sa constance, tandis que d’autres lui reprochent de remplacer une influence étrangère par une autre, ou de fermer les yeux sur les dérives autoritaires de certains régimes africains dès lors qu’ils s’opposent à l’Occident. Ses méthodes et ses alliances, réelles ou supposées, font l’objet de discussions passionnées.

Nathalie Yamb dans l’histoire du panafricanisme

Nathalie Yamb s’inscrit aujourd’hui dans la lignée des grandes figures du panafricanisme et de la résistance anticoloniale. Son combat, axé sur l’émancipation, la souveraineté et l’unité du continent, fait d’elle une héritière directe des leaders historiques comme Kwame Nkrumah, Thomas Sankara, Patrice Lumumba ou encore Cheikh Anta Diop. À l’instar de ces icônes, elle considère le panafricanisme non comme une simple nostalgie identitaire, mais comme un projet politique concret, articulé autour de l’unité africaine, de l’indépendance économique et de la solidarité transnationale.

Son engagement et son franc-parler lui ont valu d’être honorée par plusieurs États africains et mouvements panafricanistes. En mai 2025, elle a été décorée au Burkina Faso lors de l’inauguration du Mausolée Thomas Sankara, symbole fort de la reconnaissance de son rôle dans la lutte pour la souveraineté africaine. Elle a également été reçue officiellement par le président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) au Niger, qui a salué son leadership et l’a reconnue comme une ambassadrice du combat pour la liberté et la justice sur le continent.

Nathalie Yamb partage la scène panafricaine avec d’autres figures contemporaines telles que Kemi Seba, avec qui elle a été honorée pour son engagement indéfectible contre le néocolonialisme. Leur influence conjointe contribue à éveiller la conscience politique et sociale de la jeunesse africaine, tout en inspirant les générations futures à poursuivre la lutte pour l’autodétermination et la souveraineté.

Par son action, Nathalie Yamb a su renouveler le débat sur l’indépendance réelle des États africains, en réaffirmant la nécessité d’une Afrique fière, unie et affranchie de toute tutelle étrangère. Elle incarne ainsi le renouveau du panafricanisme au XXIe siècle, en alliant la tradition de résistance à une stratégie moderne de mobilisation et de communication, capable de fédérer au-delà des frontières coloniales et linguistiques.

Projets actuels et vision pour l’Afrique

En 2024 et 2025, Nathalie Yamb poursuit son engagement avec une intensité renouvelée, malgré les pressions et les sanctions internationales. Son actualité est marquée par une reconnaissance croissante sur la scène panafricaine, notamment au Sahel, où elle a été honorée en mai 2025 au Burkina Faso. Le président de la transition, Ibrahim Traoré, lui a décerné le titre de Chevalier de l’Ordre de l’Étalon lors de l’inauguration du mausolée Thomas Sankara, symbole fort de son ancrage dans la tradition de résistance et d’émancipation du continent. Cette distinction, saluée par de nombreux militants, confirme son rôle de référence pour la nouvelle génération panafricaine.

Nathalie Yamb multiplie les interventions dans des forums, conférences et médias alternatifs, où elle défend une Afrique souveraine, débarrassée du franc CFA, des bases militaires étrangères et de toute forme d’ingérence occidentale. Elle encourage les États africains à s’unir autour de projets concrets, comme l’Alliance des États du Sahel (AES), qu’elle considère comme un modèle de rupture avec les anciennes communautés régionales jugées inféodées à l’Occident. Pour elle, l’avenir du continent passe par la solidarité, la coopération entre pays africains et l’ouverture à de nouveaux partenaires internationaux, dans une logique de respect mutuel et d’intérêts partagés.

Malgré les tentatives de déstabilisation, Nathalie Yamb reste active sur les réseaux sociaux, où elle continue de mobiliser une large audience autour de ses idées. Elle utilise ces plateformes pour dénoncer les « campagnes de désinformation » visant à la discréditer et pour rappeler que son combat est d’abord celui de la dignité africaine et de la justice sociale. Son message central demeure : l’Afrique doit reprendre en main son destin, affirmer sa souveraineté et refuser toute forme de tutelle, qu’elle soit politique, économique ou militaire.

La récente décision de l’Union européenne de lui interdire l’accès à son territoire et de geler ses avoirs au sein de l’UE, sous prétexte de « menace hybride » et de proximité supposée avec la Russie, n’a fait que renforcer sa détermination à défendre la cause panafricaine. Nathalie Yamb voit dans ces sanctions une preuve que son discours dérange les puissances établies et que la lutte pour la souveraineté africaine est plus actuelle que jamais.

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