Qui est Issad Rebrab : le fondateur du groupe Cevital et l’homme le plus riche d’Algérie

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Issad Rebrab est né en 1944 dans un village modeste de Kabylie, Taguemount-Azouz, dans une famille profondément marquée par l’histoire de la Guerre de Libération algérienne. Son père, militant nationaliste, et sa mère, emprisonnée durant la colonisation, lui ont transmis des valeurs fortes de résilience et de patriotisme. Après des études à l’École normale d’enseignement professionnel, il devient professeur de comptabilité, un métier qu’il exercera avant de se lancer dans l’entrepreneuriat industriel.

Ses premiers pas dans le monde des affaires se font avec la création de Profilor, une entreprise spécialisée dans la fabrication de rayonnages métalliques, après avoir acquis de l’expérience dans la construction métallique. Cependant, c’est dans les années 1990 que son parcours est mis à rude épreuve : ses usines sont détruites par des actes de sabotage terroriste lors de la décennie noire, ce qui le contraint à s’exiler temporairement en France. Malgré cette épreuve, il fait preuve d’une détermination remarquable et revient en Algérie avec la volonté de reconstruire son empire industriel.

Cevital : naissance, diversification et expansion internationale

En 1998, Issad Rebrab fonde Cevital à Béjaïa, posant ainsi la première pierre d’un empire industriel algérien. Le groupe démarre dans l’agroalimentaire, un secteur stratégique pour l’Algérie, avec la production de sucre, d’huile et de margarine. Ces premiers succès permettent à Cevital de s’imposer rapidement comme un acteur majeur du marché algérien et africain.

Fort de cette assise, le groupe amorce une diversification ambitieuse. Il investit dans l’industrie lourde avec la création d’usines de verre plat, notamment Mediterranean Float Glass, et s’étend à la logistique via Numilog. En 2014, Cevital réalise un coup d’éclat en rachetant Brandt, un géant français de l’électroménager, renforçant ainsi sa présence à l’international.

Par ailleurs, Cevital développe des infrastructures portuaires et mise sur une stratégie d’intégration verticale, visant à maîtriser toutes les étapes de production, de la matière première à la distribution. Cette approche permet au groupe d’assurer une autosuffisance industrielle et de réduire sa dépendance aux importations, tout en consolidant sa compétitivité.

Le poids économique de Cevital

Le groupe Cevital, fondé par Issad Rebrab en 1998, est devenu le premier groupe privé algérien et l’un des poids lourds de l’économie du pays. Avec environ 18 000 employés répartis sur 26 filiales présentes sur trois continents, Cevital réalise un chiffre d’affaires qui avoisine les 4 milliards de dollars, en croissance moyenne annuelle de 30% depuis quinze ans.

Dans l’agroalimentaire, Cevital est leader en Afrique, produisant notamment 450 000 tonnes d’huile par an, soit 140% des besoins algériens, et jusqu’à 2 millions de tonnes de sucre blanc par an, largement au-delà de la consommation locale, ce qui permet au groupe d’exporter vers l’Afrique de l’Ouest, le Maghreb, le Moyen-Orient, et même l’Europe. En 2013, le groupe prévoyait d’exporter 600 000 tonnes de sucre vers une vingtaine de pays, dont des clients prestigieux comme Coca-Cola et Ferrero Rocher.

Cevital s’est aussi imposé dans l’électroménager, notamment avec le rachat en 2014 de Brandt en France, et la construction d’une usine à Sétif capable de produire huit millions d’appareils par an, dont 90% destinés à l’exportation vers l’Europe et la région MENA. Cette diversification industrielle vise à faire de l’Algérie un hub industriel et exportateur majeur.

Le groupe contrôle également des infrastructures portuaires et logistiques stratégiques, avec des silos et un terminal de déchargement à Béjaïa, ainsi que la filiale Numilog, spécialisée dans la gestion de la chaîne logistique, renforçant ainsi l’intégration verticale et la maîtrise de toute la chaîne de valeur.

En 2025, Cevital est classé 4e plus grande entreprise algérienne toutes activités confondues, et première entreprise privée hors hydrocarbures, avec une valorisation estimée à plus de 2 milliards de dollars. Ce positionnement illustre le rôle central de Cevital dans l’économie algérienne et son ambition de faire émerger un modèle industriel alternatif dans un pays longtemps dominé par le secteur énergétique.

Ainsi, Cevital est un acteur incontournable de l’économie algérienne, combinant poids industriel, capacité d’exportation et stratégie d’intégration verticale, avec une vision claire de développement à l’échelle continentale et internationale.

Relation avec l’État algérien

La relation entre Issad Rebrab et les autorités algériennes a souvent été marquée par des tensions et des conflits. En tant que patron du premier groupe privé du pays, Cevital, il a régulièrement dénoncé les blocages administratifs, le nationalisme économique et la méfiance persistante envers le secteur privé en Algérie. Ces obstacles ont freiné plusieurs de ses projets industriels et d’exportation, malgré son rôle clé dans la diversification de l’économie nationale.

En avril 2019, Issad Rebrab a été arrêté et incarcéré dans le cadre d’une enquête anticorruption portant sur des accusations de fausse déclaration concernant le mouvement de capitaux, de surfacturation et d’importation de matériel usagé bénéficiant d’avantages destinés au matériel neuf. Cette arrestation est survenue dans un contexte politique tendu, peu après que Cevital ait exprimé son soutien au mouvement de contestation populaire contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat. Sa détention a été perçue par beaucoup comme une mesure politique, visant à freiner l’influence d’un industriel devenu trop critique envers le pouvoir.

Libéré après huit mois, Rebrab a fait son retour médiatique, mais les tensions avec le gouvernement sont restées palpables. En 2023, la justice algérienne a interdit à Issad Rebrab d’exercer toute fonction commerciale ou de gestion, mettant fin à ses ambitions de retour actif dans les affaires. Cette décision illustre la fragilité de la position du secteur privé face à un État qui reste très interventionniste.

Malgré ces difficultés, Rebrab a toujours revendiqué son indépendance politique, refusant d’appartenir à un clan ou de s’aligner sur le pouvoir en place. Il a dénoncé ouvertement ce qu’il considère comme un régionalisme et un blocage systématique visant à empêcher l’émergence économique de la Kabylie, sa région d’origine. Cette posture lui a valu autant d’admiration que d’hostilité, faisant de lui un patron frondeur, mais aussi un symbole de la lutte pour un capitalisme industriel autonome en Algérie.

Engagement panafricain et ambitions continentales

Issad Rebrab et le groupe Cevital ne se limitent pas à l’Algérie. Depuis plusieurs années, ils développent une stratégie d’expansion ambitieuse à l’échelle africaine, avec pour objectif de faire émerger un capitalisme industriel panafricain. Cette vision s’appuie sur des investissements majeurs dans plusieurs pays du continent, notamment en Afrique de l’Ouest.

En Côte d’Ivoire, Cevital avance ses pions à Abidjan avec des projets industriels et agroalimentaires d’envergure. En janvier 2025, Salim Rebrab, frère d’Issad et membre du conseil d’administration, s’est rendu discrètement sur place pour piloter ces développements, témoignant de l’importance stratégique de la région pour le groupe. Ce projet ivoirien vise à faire de la Côte d’Ivoire une plateforme industrielle et logistique majeure pour l’Afrique de l’Ouest, dans la continuité de la volonté de Rebrab de bâtir des hubs industriels africains.

Par ailleurs, Cevital s’intéresse aussi au Mali, au Cameroun et au Sénégal, où le groupe cherche à implanter des unités de production et à renforcer les chaînes de valeur locales. Ces initiatives s’inscrivent dans une vision d’un capitalisme africain patriote, capable de créer des emplois, d’industrialiser le continent et de réduire la dépendance aux importations.

Cette dynamique panafricaine est aussi portée par la nouvelle génération de la famille Rebrab, qui assure la continuité des projets et la montée en puissance de Cevital sur le continent, malgré les défis politiques et économiques.

Un self-made man atypique

Issad Rebrab est souvent décrit comme un self-made man atypique, dont le parcours et le style de management reflètent une vision industrielle à long terme, ancrée dans la réalité algérienne et africaine. Contrairement à certains grands patrons, il privilégie une approche pragmatique, directe et proche du terrain.

Son style de management est marqué par une forte exigence, mais aussi par une grande proximité avec ses employés. Il aime se rendre sur les sites de production, dialoguer avec les ouvriers et techniciens, et comprendre les défis quotidiens de ses équipes. Cette proximité lui vaut une image populaire et respectée en Algérie, où il est perçu comme un bâtisseur engagé et un entrepreneur patriote.

Issad Rebrab a toujours misé sur l’innovation et la diversification, refusant de se cantonner à un seul secteur. Son ambition est de créer des chaînes de valeur complètes, maîtrisant toutes les étapes de la production, de la matière première à la distribution. Sa fortune est estimée à 3 milliards de dollars en 2025.

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