La Chine en Afrique : relation gagnant-gagnant ou nouveau colonialisme ?

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L’engagement de la Chine en Afrique

Dans l’histoire moderne, les relations entre la Chine et les pays africains sont relativement récentes. La connexion a commencé il y a environ 50 à 60 ans. À cette époque, la relation était principalement motivé par des raisons politiques et idéologiques. La Chine recherchait avant tout le contact avec les pays socialistes. À partir des années 1980, l’intérêt de la Chine pour le marché africain et l’accent mis sur le développement économique ont finalement changé la relation. L’Afrique aurait offert une alternative aux marchés occidentaux où les produits chinois pourraient être vendus. Une relation s’est développée dans laquelle la Chine importait des ressources d’Afrique et exportait des produits finis vers l’Afrique. 

L’engagement de la Chine en Afrique répond à un besoin stratégique au niveau mondial. Le géant asiatique doit croître d’au moins 6 à 8% par an pour maintenir la paix intérieure et donc l’approvisionnement en matières premières de l’étranger est impératif. 

Au cours des 15 dernières années, on peut constater une forte augmentation des investissements de la part de la Chine. D’une part, les investisseurs chinois seraient encouragés à dépasser leurs propres frontières nationales. D’autre part, il existe également une pression externe sur l’économie chinoise pour qu’elle soit compétitive sur le plan international.

Selon le portail Xinhua, voici quelques-unes des statistiques clés des liens économiques que la Chine a réussi à tisser en Afrique :

  • De 1978 à 2017, le commerce avec l’Afrique a été multiplié par plus de 200, atteignant un chiffre de 170 milliards de dollars.
  • Les investissements chinois sur le continent africain s’élèvent à plus de 100 milliards de dollars. La Chine est le plus grand contributeur d’investissement direct étranger en Afrique, dépassant l’Europe et les États-Unis.
  • La Chine a récemment annoncé la création de nouveaux plans pour la construction d’infrastructures et la création de zones économiques et de parcs industriels dans plus de 20 pays africains.

Tous ces chiffres suffisent à souligner l’importance que représente la Chine pour l’Afrique, alors que pour sa part, pour le gouvernement de Pékin, le maintien et le renforcement de ses liens avec les Africains représente une importance critique. Ainsi, la Chine et l’Afrique se soutiennent mutuellement pour répondre à leurs besoins.

De cette manière, les Chinois ont trouvé en l’Afrique un essentiel partenaire et sont devenus pour les Africains leur principal investisseur, partenaire commercial, représentant une alternative tant pour leurs produits (au sein d’un marché africain en pleine expansion) que pour sa main-d’œuvre abondante.

Sous quels principes cette relation évolue-t-elle ?

Contrairement à d’autres puissances économiques comme les États-Unis ou les pays d’Europe (occidentale), la Chine et le continent africain n’ont pas de passé colonial en commun. Aussi, la Chine ne suit pas une approche paternaliste et ne cherche pas à imposer « le modèle chinois » aux États africains. En effet, les politiques chinoises pour l’Afrique s’organisent exclusivement autour de ces cinq points :

  1. Amitié digne de confiance
  2. Égalité dans la souveraineté
  3. Non-ingérence dans les affaires intérieures
  4. Développement mutuellement bénéfique
  5. Coopération internationale

Partant de ces points, la seule exigence que la Chine demande aux Africains pour être bénéficiaires de son aide, de son commerce et de ses investissements est le soutien à la thèse « une seule Chine », faisant référence à ses conflits locaux avec Taïwan, le Tibet et le Xinjiang. Ainsi, tant que les cinq points précédents sont ponctuellement remplis, Chinois et Africains évoluent dans un bon cadre.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles la Chine s’intéresse tant à l’Afrique, allant des aspects culturels aux besoins stratégiques. Cette relation étroite est surtout liée à la concurrence et à l’accès aux matières premières et aux ressources naturelles dont la Chine a tant besoin pour soutenir sa croissance économique. Ce n’est pas un hasard si les plus gros flux d’investissements chinois vont vers des pays qui disposent de réserves d’hydrocarbures, comme la Guinée équatoriale, l’Angola, le Nigeria, le Soudan et, plus récemment, le Kenya, même si elle ne s’intéresse pas uniquement à ces pays.

Malgré tous les bénéfices qu’elle obtient, les pratiques que la Chine mène en Afrique ne sont pas très différentes de celles de l’ancien modèle colonial. Cependant, il existe de nombreuses nuances dans cette relation qui rendent la réalité plus complexe. Les Chinois ont établi un modèle moins rigide et plus compatible avec les particularités des nations africaines, de sorte qu’ils disposent d’une plus grande autonomie et d’une plus grande marge de manœuvre, contrairement au colonialisme européen.

Si les Chinois ont énormément profité de leurs relations avec les Africains, on peut également constater l’avancée de certains projets dans les pays africains dû aux investissements chinois. D’une part, les investissements ont favorisé la création d’emplois, concentrés dans les secteurs liés à l’énergie, aux ressources naturelles et à la création d’infrastructures. Mais dans le secteur manufacturier, la concurrence entre les entreprises chinoises et africaines a ralenti et ruiné les efforts d’industrialisation de certains pays, alors qu’ils continuent d’exporter des matières premières, des intrants et des ressources naturelles pour répondre aux besoins du marché intérieur chinois de plus en plus sophistiqué face à la croissance de sa classe moyenne.

L’Afrique est un partenaire clé pour la Chine, mais pas le seul. Les investissements chinois en Afrique ne représentent même pas la moitié du montant total de ce qu’ils investissent en Europe et dans le reste de l’Asie.

Qui gagne le plus, les Africains ou les Chinois ?

Pour les dirigeants africains et les dirigeants chinois, chacun y trouve son compte et donc ils perçoivent la relation comme gagnant-gagnant. La politique de non-intervention dans les affaires intérieures est très attrayante pour de nombreux présidents africains qui souhaitent rester au pouvoir. Plus d’un régime répressif a réussi à survivre grâce aux liens économiques avec les Chinois. C’est pourquoi de nombreux gouvernements africains sont satisfaits de leurs relations avec les Chinois.

Mais pour la majorité des peuples africains qui n’ont vu aucune amélioration de leur situation et qui, au contraire, subissent les effets collatéraux des investissements chinois, tels que la dépossession des paysans de leurs terres et la surexploitation de la main-d’œuvre, cette relation profite beaucoup plus à la Chine. Pour les populations africaines, la Chine est le grand gagnant de cette relation, et de loin.

Pourquoi la relation entre la Chine et l’Afrique fonctionne ?

Face à l’oubli aux yeux du reste du monde, les Africains ont trouvé en la Chine, un partenaire solide vers qui se tourner, si bien que leur rapprochement avec le continent a été plutôt bienvenu. Le plus ironique est que les Chinois n’ont pas eu à payer un prix élevé pour s’installer en Afrique. La Chine donne aux pays africains ce qu’ils veulent et ce dont ils ont besoin, sans trop de ménagement. Il importe peu qu’il s’agisse de la construction d’une usine, d’un hôpital, d’une école, d’une ligne de train à grande vitesse, d’une résidence de luxe pour un dictateur ou d’un stade de football. Ils sont en Afrique pour faire des affaires, peu importe le pays et la façon dont il se comporte, tant qu’il accepte leurs conditions. Jusque là la Chine a su exploiter le fait qu’elle n’avait aucun passé colonial avec l’Afrique.

De toute évidence, il n’est pas commode pour les Chinois d’affronter les Européens en Afrique. Mais ils ont su identifier le point faible des pays africains, qui sont leurs problèmes d’endettement extérieur et de liquidité, c’est pourquoi ils n’hésitent pas à accorder des prêts à des conditions préférentielles pour les Africains. De cette façon, ils augmentent leur influence en Afrique et supplantent lentement les Européens.

Quels effets, impacts et conséquences la relation sino-africaine a-t-elle eu sur l’économie mondiale et la géopolitique ?

Compte tenu de la situation internationale actuelle, l’économie mondiale se dirige vers un nouveau différend économique, commercial et financier entre une partie occidentale et non occidentale. L’Afrique représente un allié stratégique des Chinois, qui cherchent à accroître leur présence sur le continent pour s’assurer ressources et soutien.

Quel est l’avenir de la relation sino-africaine ?

Jusqu’à présent, la Chine a été l’acteur qui a écrit les règles du jeu. Les Africains, clairement désavantagés, ont dû accepter les conditions des Chinois, et bien que certaines d’entre elles les favorisent, ils ont parfois les mains liées.

Cette situation devra être inversée pour les Africains, qui devront trouver un moyen de rendre leur relation avec les Chinois plus équitable et juste. La clé c’est : se renforcer à l’interne pour être compétitif à l’externe. Dépendre des autres n’est pas la solution, s’appuyer sur les autres l’est.

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