Comment les médias africains informent le monde sur l’Afrique

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Presque tous les éditeurs interrogés, lors d’une enquête du consortium ANF (Africa No Filter) sur la couverture des pays africains par les médias africains, ont déclaré que l’une de leurs plus grandes contraintes à la couverture des récits africains était qu’ils n’avaient pas de financement (92 %). La deuxième contrainte la plus citée est le manque d’intérêt des annonceurs (37%). Le manque d’espace était la troisième raison la plus citée à 24 %.

Les rédacteurs en chef estiment dans leur grande majorité qu’il est important de couvrir l’actualité internationale et africaine, en mettant l’accent sur la couverture panafricaine.

De nombreux éditeurs ont reconnu qu’ils publiaient des stéréotypes sur l’Afrique malgré le désir d’une bonne couverture. L’écart entre la couverture qu’ils aimeraient offrir et ce qui a été publié semble être principalement dû à un manque de ressources.

Comment les médias africains informent le monde sur l’Afrique

Les sources d’information ont un impact sur le récit raconté et la manière dont il est raconté. Les actualités dures telles que la politique, les élections et la crise en Afrique dominent les pages d’actualités africaines. Pour diverses raisons telles que les contraintes financières liées à la rétention des correspondants étrangers, les participants ont déclaré qu’ils s’appuyaient principalement sur les agences de presse non africaines telles que l’AFP, la BBC, Reuters, Al-Jazeera et AP pour s’approvisionner en informations africaines. Alors que la couverture occidentale de l’Afrique par exemple s’adresse aux publics occidentaux qui veulent l’histoire africaine de surface «typique» telle que la famine et la crise.

L’Afrique s’intéresse-t-elle à l’Afrique ? 

Selon les éditeurs interrogés, le public ne partage pas nécessairement un intérêt pour les récits sur d’autres pays africains et les récits africains plus larges, à moins que ces récits n’affectent directement leur vie.

« Un public sans intérêt pour les nouvelles extérieures rend plus difficile la diffusion de nouvelles plus continentales ». Les participants ont souligné que les Africains ont également leurs propres perceptions et stéréotypes des autres Africains et que cela s’est glissé dans la façon dont les journalistes écrivent sur d’autres pays pour leur propre public. En conséquence, les récits africains sont peu nombreux et peuvent être superficiels et vides de nuance.

L’Afrique doit investir dans le journalisme

Le financement a été souligné comme une contrainte commune à une couverture médiatique plus approfondie des récits africains. La plupart des participants ont déclaré que leurs publications n’avaient pas les moyens d’envoyer des journalistes dans d’autres pays africains ni d’affecter des journalistes sur le terrain en raison de contraintes budgétaires.

La révolution numérique, où le public se déplace vers des espaces en ligne, a déstabilisé de nombreuses salles de rédaction africaines. Ce changement a rendu la monétisation des médias plus difficile.

Lors de la dernière session, un point a été soulevé : « Un défi pour couvrir le continent consiste à trouver des talents indépendants en dehors des principaux centres de Johannesburg, Lagos et Nairobi ».

Malgré les contraintes auxquelles est confrontée l’industrie du journalisme et des médias, les participants ont déclaré que l’industrie doit valoriser ses travailleurs. Ils ont ajouté qu’il serait important d’équiper les journalistes indépendants sur le continent, en particulier ceux des petits pays qui ne dominent pas les pages d’actualités africaines.

La plupart des participants ont noté que l’Afrique avait besoin d’une couverture plus nuancée avec un accent accru sur les récits d’intérêt humain qui mettent en lumière l’Afrique sous de nouveaux angles. Il se passe de bonnes choses dans les pays africains et il est de la responsabilité des médias locaux de rapporter ces événements en premier.

Traditionnellement, il existe un nombre limité de types d’articles dans les journaux. Les nouvelles sont le type d’histoire le plus courant fournissant les faits de base pour permettre au lecteur de comprendre un événement. Dans cette recherche, le format des nouvelles a dominé la couverture de l’Afrique et représente 80% de toute la couverture. Les reportages (8 %) et les articles d’opinion (6 %) contribuent plus modestement à la couverture de l’Afrique. Ici, on peut constater qu’il y a très peu de reportages réalisés par les professionnels africains sur les problèmes qui minent l’Afrique. La plupart des scandales de corruption jusque là ont été révélés par les médias occidentaux.

Les Africains apprennent à se connaître et à connaître les autres Africains à travers les médias. Les médias d’information en sont une grande partie. Bien qu’il existe des contraintes dans les salles de rédaction africaines, il existe également de nombreuses possibilités de croissance dans la diversité de la couverture de l’actualité. 

Sur la base de l’enquête et des entretiens avec les professionnels des médias, il a été reconnu qu’une couverture stéréotypée et des cadres négatifs peuvent apparaître même dans des publications censées être de bonne qualité.

Un bon journalisme pour l’Afrique sur les pays africains nécessite un engagement, cet engagement doit reposer sur une prise de conscience des lacunes et de la possibilité d’une couverture différente. Si de nombreux rédacteurs ont reconnu l’existence de stéréotypes dans le contenu qu’ils ont publié, d’autres ne l’ont pas fait. Même lorsque cela a été reconnu, cela n’a pas eu d’impact sur les pratiques. Cela est peut être dû en partie à des contraintes de ressources et à la disponibilité d’autres contenus.

S’engager à améliorer la couverture des récits africains

L’Afrique en a besoin ! Sans prise de conscience de la possibilité d’un contenu nuancé et diversifié et sans engagement à améliorer la couverture, rien ne changera. Deuxièmement, le bon journalisme nécessite des investissements. Il faut des ressources pour le journalisme africain et les récits africains afin que le contenu soit disponible. Un tel contenu comprendrait des sujets et des récits plus diversifiés, ainsi que les voix de plus de personnes, et pas seulement celles des autorités. Enfin, il est nécessaire de renforcer la collaboration entre les professionnels des médias et les rédacteurs en chef des différents pays. En développant des réseaux, en rendant le contenu disponible et en le mettant en commun, il est possible d’obtenir le meilleur retour sur investissement pour des récits africains de qualité et variés.

Référence :
The ‘How Africa covers Africa in the media’ report was commissioned by © Africa No Filter 2021

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